1- Genèse de l'Univers

L'Univers serait né il y a 15 milliards d'années à partir d'une “boule primordiale” de radiations (Gamov, G., 1954) dont la densité et la température étaient extrêmement élevées. Toute la matière et toutes les forces (Gravité, Grande force nucléaire, Électromagnétisme et Petite force nucléaire) n'étaient pas différenciées.

- La gravité est la force d'attraction universelle.

- La grande force nucléaire est la force qui maintient ensemble les noyaux d'un atome.

- L'électromagnétisme est la force qui maintient les électrons autour des atomes.

- La petite force nucléaire est la force qui produit la radioactivité.

Au moment du “Big Bang” (Hoyle, F., 1950), l'univers était supposé avoir une dimension nulle et une température infiniment élevée, c'est-à-dire très énergétique (fig. 1.1). La température est simplement la mesure de l'énergie cinétique d'un ensemble de particules. Ainsi, par exemple, la température de l'eau dans un récipient, indique uniquement la vitesse moyenne de déplacement des molécules d'eau.

Figure 1.1- Malgré leur caractère hautement fantaisiste, toutes les cosmogonies anciennes contiennent une vérité fondamentale: "l'Univers pris dans son ensemble, et la Terre en particulier, se sont formés dans un passé lointain, à partie d'une matière non organisé, ou chaos". La "Boule Primordiale" de Gamow représente cet état primitif de l'univers à partir du quel le Temps et l'Espace, autrement dit l'Univers, sont nés. Cet état devait être très dense et très chaud, autrement dit rayonnant comme tout corps chauffé. Evolution probable du rempli

Le terme “Big Bang”, qui est très souvent utilisé pour désigner l'état très dense et très chaud dans lequel l'Univers est né, est trompeur. Il donne l'impression qu'une explosion a eu lieu au milieu d'un espace, comme par exemple dans le cas de l'explosion d'une bombe. En réalité, quand l'espace lui même fait partie de l'explosion et la matière est simplement transportée par l'espace en expansion, il n'y a aucune analogie possible:

L'expansion de l'Univers n'est pas liée à des différences de pression et elle ne produit pas d'ondes acoustiques.

Depuis le Big Bang, la “Boule Primordiale” va se refroidir très rapidement au fur et à mesure qu'elle se dilate. La matière ne devient prépondérante qu'à partir d'une certaine valeur critique de l'expansion et du refroidissement. Au départ, pendant les hautes températures, les densités étaient hautes et l'Univers était dominé par des radiations. La matière ne jouait qu'un rôle très secondaire.

Figure1.2- Le Big Bang n'est pas une explosion où la matière s'éloigne dans toutes les directions de l'espace comme c'est le cas dans l'explosion d'une bombe. Le Big Bang correspond plutôt à une expansion où la matière et l'espace s'expandent et s'éloignent en même temps. Imaginez que vous gonfler un ballon couvert de petits disques de carton et vous avez une analogie grossière du Big Bang. L''univers est en expansion. Ce ne sont pas les galaxies qui s'éloignent les unes des autres, mais l'espace entre elles.

Pour décrire l'évolution de l'Univers depuis l'instant t= 0 (Big Bang) jusqu'à aujourd'hui, il faut retenir:

1) L'Univers est en expansion (décalage vers le rouge des spectres des galaxies, Hubble, E. 1929).

2) L'hydrogène (75%) et l'hélium (25%) sont les constituants principaux des étoiles.

3) L'Univers est uniformément rempli par des radiations électromagnétiques faibles (énergie équivalente à 3°K; zéro Kelvin= -273° centigrades).

Les radiations qui remplissent l'Univers (issues de l'expansion de l'univers primitif et chaud) sont si décalées vers les basses fréquences qu'elles ne nous apparaissent pas sous la forme de lumière mais sous l'aspect de micro-ondes (ondes radio de quelques centimètres de longueur d'onde). Le décalage vers le rouge des spectres est une conséquence de l'effet Doppler. En effet, quand une source de lumière émet des ondes à distance constante, la fréquence des ondes que nous recevons est la même que celle à laquelle elles ont été émises. Si la source de lumière s'éloigne de nous, quand elle émettra la crête d'onde suivante, elle sera plus éloignée, et le temps que la crête d'onde mettra à arriver sera plus long et la fréquence sera plus basse. Le spectre sera décalée vers le rouge.

Figure 1.3- L'Univers serait né il y a 15 milliards d'années à partir d'une "Boule Primordiale" de radiations dont la "densité" et la "température" étaient extrêmement élevées et où toute la matière et toutes les forces (Gravité, Grande Force Nucléaire, Électromagnétisme, et Petite Force Nucléaire) étaient indifférenciées.

Les principales étapes de la genèse de l'Univers (fig. 1.3) peuvent se résumer comme suit :

(1) Big Bang;

(2) Formation des Protons, Neutrons et Électrons ;

(3) Formation des noyaux de Deutérium et d'Hélium ;

(4) Formation des atomes d'Hélium et d'Hydrogène ;

(5) Formations des nuages froids de gaz cosmique ;

(6) Formation des Quasars ;

(7) Formation des Galaxies ;

(8) Formation du Soleil ;

(9) Formation des Planètes ;

(10) Apparition de la Vie ;

(11) Apparition des Vertébrés et

(12) Apparition de l'Homme.

 

(1) Big Bang

(2) Formation des Protons, Neutrons et Électrons.

Une seconde après le Big Bang, la température a du tomber à environ dix mille millions de degrés. A cette époque, l'Univers devait contenir surtout des Photons, des Électrons et des Neutrinos, ainsi que leurs antiparticules (des Protons et quelques Neutrons).

Figure 1.4- Si le Big Bang avait eu lieu le 1er Janvier 2005 et l'apparition de l'Homme le 31 Décembre 2005 à minuit, les Galaxies auraient été formées le 3 Janvier, le Soleil le 1er Août, les Planètes le 21 Août, l'apparition de la Vie, le 17 Septembre, et l'apparition des Vertébrés le 15 Décembre. L'apparition de l'homme aurait lieu à minuit du 31 Décembre. Remarquons que a cette échelle (une année pour l'âge de l'Univers, i.e., 525600 minutes), l'humanité est apparue dans la dernière minute.

Comme l'Univers continuait à se dilater et la température à décroître, le taux auquel les paires Électrons / Anti-Électrons étaient crées par collision aurait dû tomber au-dessous du taux d'annihilation. La plupart des électrons et des anti-électrons aurait dû s'annihiler les uns les autres pour produire des Photons, ne laissant subsister que quelques électrons. Les neutrinos et les antineutrons eux, n'ont pas été annihilés. Ces particules n'interagissent qu'avec elles-mêmes. Très rarement elle interagissent avec d'autres.

(2) Formation des Protons, Neutrons et Électrons

(3) Formation des noyaux de Deutérium et d'Hélium

(4) Formation des atomes d'Hélium et d'Hydrogène.

Environ 100 secondes après le Big Bang, la température aurait chuté à 1G degrés. A ce moment, les photons et les neutrinos n'auraient plus eu assez d'énergie pour échapper à l'attraction de l'interaction nucléaire forte et ils auraient commencé à se combiner entre eux pour produire des noyaux de Deutérium (un proton et un neutron).

Les noyaux de deutérium se seraient ensuite combinés avec des protons et des neutrons pour donner naissance à des noyaux d'Hélium (2 protons et 2 neutrons) et à des petites quantités d'autres éléments plus lourds comme le Lithium et le Béryllium.

Quelques heures après le Big Bang, la production d'hélium et des autres éléments a du s'arrêter. Puis, durant les quelques milliers d'années qui ont suivi, l'Univers a continué à se dilater sans que rien ne se produise.

Dès que la température eut chuté à quelques 200-300 milliers de degrés, et que les électrons et les noyaux n'eurent plus assez d'énergie pour résister à leur propre interaction électromagnétique, ils commencèrent à se combiner pour former des Atomes.

(5) Formations des nuages froids de gaz cosmique

(6) Formation des Quasars

(7) Formation des Galaxies.

L'Univers tout entier a continué à se dilater et à se refroidir. Dans certaines régions, légèrement plus denses que la moyenne, l'expansion a dû être ralentie par une attraction gravitationnelle plus forte. Cela aurait finalement arrêté l'expansion à certains endroits qui auraient alors commencé à se contracter.

Pendant que ces régions s'effondraient, l'attraction gravitationnelle de la matière aux alentours a pu les mettre légèrement en rotation. Cependant, plus elles devenaient petites, plus elles tournaient vite, ce qui équilibrait l'attraction gravitationnelle.

Ainsi, se seraient formés les Galaxies et les Quasars, c'est-à-dire les objets les plus éloignés et les moins bien compris de l'Univers. A mesure que le temps passait, le gaz des galaxies (hydrogène et hélium) a dû se fragmenter en Nuages plus petits qui se sont effondrés sous l'action de la gravité.

Pendant qu'ils se contractaient et que les atomes qu'ils contenaient se heurtaient les uns contre les autres, la température du gaz a dû croître jusqu'à devenir suffisante pour déclencher des réactions nucléaires. Ces réactions brûlaient l'hydrogène en le convertissant en hélium et en rayonnant l'énergie résultante sous forme de chaleur. Ainsi, se seraient formées la plupart des Étoiles.

(8) Formation du Soleil.

Dans des cas particuliers, les régions extérieures d'une étoile peuvent être soufflées lors d'une gigantesque explosion appelée Supernova. Les régions centrales s'effondrent dans un état très dense (étoile à neutrons ou Trou Noir). Les quelques éléments plus lourds, produits au cours des derniers temps de la vie de l'étoile, seraient injectés dans le gaz de la galaxie et constitueraient une partie du matériau à l'origine des générations suivantes d'étoiles.

Notre Soleil est une étoile de 2ème ou de 3ème ordre. Il contient environ 2% d'éléments lourds. Il s'est formé il y a environ cinq milliards d'années à partir d'un nuage de gaz en rotation contenant des débris de supernovae anciennes.

(9) Formation des Planètes,

La majorité du gaz de ce nuage forma le Soleil ou fut soufflée. Des petites quantités d'éléments plus lourds s'assemblèrent pour former les corps qui tournent aujourd'hui autour du soleil, à savoir les Planètes, comme par exemple la Terre.

Y-a-t-il un centre de l'Univers?

Nous savons que le centre du système solaire est le soleil, autour duquel les astres tournent. Également, nous savons que les galaxies ont un centre autour duquel les étoiles tournent. L'Univers apparemment devrait avoir un centre. Cependant, comme l'univers est en expansion, il est évident que la réponse est non, c'est-à-dire, l'Univers n'a pas un centre à partir duquel on peut voir toutes les galaxies s'éloigner les unes des autres. Revenons à l'analogie avec l'expansion d'un ballon pour mieux comprendre pourquoi l'univers n'a pas de centre. Pour cela, imaginons :

(i) que l'univers est un ballon en expansion;

(ii) que les galaxies sont les petits disques de carton collés sa surface;

(iii) que nous vivons sur une de ces surfaces;

(iv) que ni nous, ni les galaxies peuvent laisser la surface du ballon, nous pouvons glisser sur sa surface, mais nous ne pouvons pas nous déplacer vers l'extérieur ou vers intérieur.

Ainsi, si l'univers continue en expansion et la surface du ballon à s'étirer, les disques de carton (autrement dit les galaxies) s'éloignent les unes des autres. Si nous cherchons une place d'où toutes les disques s'éloignent, nous ne le trouverons pas dans la surface bidimensionnel du ballon. La vraie expansion est dans le centre du ballon, qui est à l'intérieur, en trois dimensions, mais nous ne pouvons pas l'explorer parce que nous sommes confinés à la surface.

Dans l'univers, l'endroit à partir du quel l'expansion a commencé n'existe pas dans l'espace tridimensionnel de l'univers dans lequel nous voyagions. Un tel endroit est quelque part dans le passé, milliards d'années en arrière, et nous ne pouvons évidemment pas l'atteindre.

Est-ce que l'expansion de l'Univers est éternelle ?

Pour répondre à cette question, il faut se demander s'il y a quelque chose que peut arrêter l'expansion. La seule force qui peut éventuellement arrêter l'expansion de l'univers c'est la force de la gravitationnelle.

Comme l'univers est en expansion contre sa propre force gravitationnelle, l'expansion doit dépenser de l'énergie pour compenser la force de la gravité. De ce fait, l'expansion doit freiner et, à la longue, éventuellement s'arrêter. Dans une telle hypothèse après une courte période de pause, l'univers doit commencer à se contracter et finit pour s'effondrer, autrement dit un "Big Crunch", qui serait le contraire du "Big Bang". Si l'univers continue en expansion éternellement on parlera d'un Univers Ouvert, si par contre, après une période d'expansion, il commence à s'effondrer, on parlera d'un Univers Fermé.

Cependant, on doit se demander si la vitesse d'expansion par rapport à la force de gravité (qui diminue avec la distance) permet une vitesse de départ, ce qui est fonction de la densité de la matière dans l'univers, ce qui donne une idée de la force gravitationnelle. Comme la densité de la matière de l'univers n'est que 1 % de la densité requise pour arrêter l'expansion, l'univers continuera en expansion, autrement dit l'univers est ouvert. Cette conclusion dépend évidemment du calcul de la densité de la matière. En d'autres termes, s'il y a de la matière que nous ne pouvons pas voir, il est possible que l'Univers soit fermé.

2- La Terre

La Terre, au départ très chaude et dépourvue d'atmosphère, s'est refroidie au cours du temps. Des roches se sont consolidées en même temps que des émissions gazeuses formaient une atmosphère. Aussitôt la croûte formée et solidifiée, la Terre a subi un bombardement intense de corps célestes plus petits. La grande fragilité de sa surface n'a cependant pas permis d'en conserver beaucoup de traces. Seules les parties les plus solides et les plus anciennes de la croûte, tel le craton canadien, conservent encore des vestiges évidents de cet épisode.

Les matériaux qui constituent la Terre sont plus denses que ceux des autres planètes. Elle a plus d'éléments lourds, comme par exemple du fer et du nickel. De ce fait, il y a eu percolation vers l'intérieur du globe sous l'action de la gravité et la création d'un Noyau métallique dense. Parallèlement, les silicates, plus légers, vont se concentrer dans l'enveloppe extérieure et constituer le Manteau. Les silicates, à leur tour, vont se différencier pour former une Croûte légère et très mince.

Le caractère particulier de la Terre est la fragilité de sa croûte qui flotte comme une peau à la surface des matériaux denses qui constituent le manteau. Elle va se casser en plusieurs plaques lithosphériques qui, en dérivant, vont se heurter, se plisser et engendrer la physiographie de la Terre que nous connaissons aujourd'hui. Pour expliquer cette physiographie plusieurs théories ont été invoquées. Elles peuvent se résumer par les deux les deux plus importantes:

a) La Théorie de l'Expansion Terrestre et

b) La Théorie de la Tectonique des Plaques.

La première, la Théorie de l'Expansion Terrestre (fig. 1.5), admet que la Terre est en expansion et qu'au départ, elle était couverte d'une croûte continentale uniforme:

- Au fur et à mesure que la Terre augmentait de volume, la croûte originelle s'est fracturée laissant place, le long des fractures, à la remontée et à la mise en place de la croûte océanique. L'eau serait libérée peu à peu par le manteau pour maintenir le niveau des océans constant. Cette hypothèse implique une gravité variable au long de l'histoire géologique au fur et à mesure que la Terre se dilate.

Figure 1.5- Dans l'hypothèse de l'expansion de la Terre, la morphologie actuelle serait la conséquence de l'expansion d'une Terre originellement couverte d'une croûte continentale uniforme. La croûte continentale serait considérée comme primitive. La croûte océanique se serait formée dans les cicatrices produites par l'expansion radiale. L'eau des océans se serait libérée du manteau de façon à maintenir le niveau marin constant.

La seconde hypothèse, celle de la Tectonique des Plaques Lithosphériques, refuse les variations de gravité et admet que la croûte océanique est renouvelée au niveau des dorsales et engloutie au niveau des zones de subduction :

- Elle n'admet pas l'existence d'une croûte continentale primitive; la croûte se serait formée au fur et à mesure de l'évolution géologique.

Figure 1.6- L'hypothèse de la Tectonique des Plaques admet que la croûte océanique est renouvelée au niveau des dorsales et engloutie au niveau des zones de subduction. Actuellement, l'âge de la croûte océanique basé dans l'analyse des anomalies magnétiques et dans les DSDP, ne dépasse pas le Mésozoïque. C'est-à-dire, il n'y a pas actuellement des vestiges d'expansion océanique paléozoïque. Dans cette hypothèse, les chaînes plissées qui sont à peu près parallèles aux dorsales, sont étroitement liées à l'expansion océanique qui induit un découplage entre les plaques lithosphériques au niveau des zones de subduction.

Comme la majorité des géologues de notre génération, nous pensons que la théorie de la Tectonique des Plaques est celle qui explique le mieux la physiographie actuelle de la Terre et les événements géologiques fossiles ou ceux que nous pouvons observer aujourd'hui. C'est donc naturelle qu'elle ait été l'adoptée dans ces notes.

Avant de passer aux chapitres suivants, qui concernent surtout l'étude de la Terre, il est important de passer en revue les principales hypothèses de la formation de la Terre.

Comment la Terre s'est-elle formée?

a) Georges Louis de Buffon (1707-1788)

Une des premières personnes qui a répondu à cette question sans faire référence aux dogmes bibliques a été le naturaliste français George Louis de Buffon (1749). Buffon pensait que la Terre avait été formée, il y a 75.000 ans, à la suite de la collision du soleil avec un autre corps céleste. De ce grand choc, un but matière aurait été détaché du soleil, laquelle en se refroidissant aurait créé la Terre. De cette collision, Buffon n'a suggéré que la formation de la Terre. Il n'a proposé aucune origine pour les autres astres. Cette hypothèse a été facilement réfutée par d'autres savants, puisque Buffon n'a pas pris en compte :

1) Les autres planètes.

2) La formation du soleil.

3) Que depuis Kepler, le système solaire était considéré comme une unité :

(i) Toutes les planètes se déplaçaient pratiquement sur le même plan.

(ii) Les planètes pivotaient dans la même direction autour du soleil.

(iii) Les planètes tournaient autour de leurs axes dans la même direction.

(iv) L'existence de parcelles brumeuses dans les constellations, autrement dit des nébuleuses (Andromède trouvée en 1617 et Orion en 1694).

b) Immanuel Kant (1724-1804)

 

En 1755, Kant a admis que toutes les étoiles proviennent des nébuleuses. En effet, dû à sa propre force gravitationnelle, une nébuleuse commence à tourner et à s'effondrer de plus en plus. La partie centrale devient une étoile et de la partie extérieure se forment les planètes.

Cette hypothèse explique :

(i) Pourquoi les planètes se déplacent sur le même plan, et

(ii) Pourquoi les planètes pivotent et tournent dans la même direction.

c) Pierre Simon de Laplace (1749-1827)

En 1798, indépendamment de Kant, Laplace a proposé une hypothèse similaire mais plus détaillée :

- Au fur et à mesure qu'une nébuleuse se contracte son tourbillonnement augmente rapidement (loi de la conservation du momentum).

- La partie externe du tourbillon se détache de la partie centrale et, en se contractant, elle forme une planète.

- La partie centrale du tourbillon continue à se contracter et une autre planète se forme, et ainsi de suite> Toutes les planètes tournent dans le même sens.

- Finalement, ce qui est resté de la partie centrale du tourbillon a donné le soleil.

Les hypothèses de Kant et de Laplace sont connues comme les hypothèses des nébuleuses

d) Thomas Chrowder Chamberlin (1843-1928) et Forest Ray Moulton (1872-1952)

Après avoir réfuté les hypothèses de Kant et de Laplace, autrement dit après avoir montré que la somme du momentum angulaire de toutes les planètes dans le système solaire est environ 50 fois le momentum angulaire du soleil), ces astrophysiciens ont repris l'idée de Buffon.

Ils ont suggéré, qu'à très longtemps, une étoile aurait passé près du soleil et que l'attraction gravitationnelle entre elles l'auraient arrachée de la matière.

- Dès que les deux étoiles auraient commencé à s'éloigner la force gravitationnelle a obligée la matière arrachée à pivoter créant des tourbillons.

- Le tourbillonnement aurait donné un grand momentum angulaire aux planètes.

- La matière arrachée s'a agglutinée peu à peu en petits objets sidéraux ou planètesimales, qui entrant en collision les uns contre les autres auraient formé les planètes.

Cette hypothèse planètesimale, a été réfutée, à son tour, très rapidement.

e) Arthur Stanley Eddington (1882-1944)

En 1920, Eddington a montré que l'intérieur du soleil était si chaud que le matériel arraché au soleil ou à l'autre étoile ne pouvait pas se condenser en planètes, mais qu'il se serait dispersé dans l'espace.

f) Carl Friedrich Weizsäcker (1912-?)

En 1944, Weizsäcker a repris l'hypothèse des nébuleuses. Il a suggéré que les tourbillons des nébuleuses étaient composés de sous-tourbillons à partir desquels se formaient les planètesimales et par la suite les planètes.

La formation des planètes, à partir des planètesimales, est l'hypothèse qui semble pour le moment être la plus suivie, car elle explique bien la chaleur interne de la Terre :

(i) Les planètesimales se déplacent à grande vitesse avec une énorme énergie cinétique.

(ii) Quand elles entrent en collision, elle s'arrêtent et l'énergie cinétique se transforme chaleur.

(iii) Quand une planète se forme, la chaleur produite par l'arrêt cinétique est énorme, ce qui explique pourquoi le noyau de la Terre a une température de l'ordre de 5.000C.

Pour bien marquer l'évolution des Sciences de la Terre et de l'Astrophysique depuis quelques années, il est intéressant de rappeler rapidement, dans ce qui concerne l'origine de la Lune, ce que les étudiants de mon époque pouvaient lire et devaient apprendre pour réussir leurs examens :

"Si la Lune s'était échappée d'une Terre encore en fusion, la substance liquide aurait immédiatement recouvert le lieu de la rupture, et il ne resterait aucune trace de cet événement sur le corps de notre planète; telle l'eau d'un puits après qu'on en a tiré un seau. Mais si au moment de la naissance, la Terre était déjà recouverte d'une croûte solide, le satellite nouveau-né a emporté un grand morceau rocheux et laissé à sa place une cicatrice bien visible.

Un coup d'oeil sur un planisphère nous révèle cette cicatrice dans le profond bassin de l'Océan Pacifique, qui occupe à lui seul près d'un tiers de la surface du Globe. Il ne serait évidement pas sage de tirer une conclusion d'une telle portée simplement d'après les dimensions du Pacifique et sa forme presque circulaire, mais une découverte géologique appuie fortement cette hypothèse. Nous avons déjà mentionnée que la croûte terrestre est formée d'une couche de granite de 50 à 100 kilomètres d'épaisseur qui repose sur une couche bien plus épaisse de basalte plus dense.

C'est vrai pour tous les continents, et aussi pour les régions qui se trouvent au fond des océans Atlantique, Indien et Arctique bien que la couche granitique y soit considérablement plus mince. Mais la vaste étendue du Pacifique est une exception remarquable; on n'a jamais trouvé un seul morceau de granite dans une des très nombreuses îles dispersés à travers cet océan. Le sol du Pacifique paraît composé exclusivement de roches basaltiques, comme si une main cosmique avait retiré toute la couche de granit de cette immense surface.

D'autre part, différent en cela des autres océans, le Pacifique est entouré d'une ceinture de hautes chaînes montagneuses (Cordillère des Andes, Kamchatka, îles du Japon, Nouvelle Zélande) dont l'activité volcanique est si prononcée qu'on a parlé à se sujet d'un “cercle de feu”. Cela indique que cette côte presque circulaire est plus intimement liée à la structure même de la croûte terrestre que les rives des autres océans. Il est alors très probable que l'espace qu'occupe le Pacifique est l'emplacement même d'où la Lune a été arrachée à la Terre."(G. Gamov, 1956, Biographie de la Terre, pp. 44-45).

Cette hypothèse qui a été réfutée, en particulier par la Tectonique des Plaques, pose la question de l'origine de la Lune, que nous résumerons ci-dessous.

Comment la Lune s'est-elle formée?

1) Hypothèse d'un corps unique (Terre-Lune)

George Howard Darwin (1845-1912) a été la première personne à proposer une solution scientifique à l'origine de la Lune, en la considérant comme une conséquence de la friction des marées.

En conséquence de la friction des marées, la Lune s'éloigne lentement de la Terre, autrement dit hier la Lune était plus proche de la Terre qu'aujourd'hui. En effet, si on recule dans le Temps, on peut imaginer, comme l'a fait Darwin) qu'à une certaine époque géologique la Terre et la Lune faisaient partie d'un corps unique.

Ce corps unique (Terre-Lune) devrait avoir un momentun angulaire égal à la somme des momentum angulaires qui ont aujourd'hui les deux corps. Autrement dit, il devrait tournoyer si rapidement qu'une portion de la partie externe de ce corps unique aurait été arrachée formant la Lune. En effet,

a) La densité de la Lune est environ 3.34 g/cm3, ce qui, grosso modo, correspond à la densité de la croûte terrestre.

b) Le diamètre de la Lune a permis a Darwin d'avancer l'hypothèse que l'océan Pacifique serait la cicatrice ou l'emplacement même d'où la Lune a été arrachée à la Terre.

Cette hypothèse a été réfutée par :

(i) La Tectonique des Plaques qui permet d'expliquer l'océan Pacifique par un hypothèse qui jusqu'à aujourd'hui n'a pas encore été réfutée.

(ii) Les récents calculs du momentum angulaire total du supposé corps unique (Terre-Lune). Dans la réalité, ces calculs ont montré que le momentum angulaire du corps unique serait insuffisant (environ un quart du momentum nécessaire) pour une portion de la partie externe soit arrachée.

2) L'hypothèses de deux corps séparés

Dès que l'hypothèse de Darwin a été réfutée, l'hypothèse que la Lune et la Terre se sont formées séparément a été proposé. Cette hypothèse a deux possibilités :

a) Celle, où la Terre et la Lune se seraient formées à partir du même tourbillon de poussière et de gaz, mais que pour des raisons inconnues elles ont formée une planète double.

Dans cette alternative, les deux corps devraient avoir une composition similaire, ce qui n'est pas le cas. Par exemple, la Lune n'as pas de noyaux métallique comme la Terre.

b) Celle, où la Terre et la Lune se sont formées à partir de deux tourbillons indépendants.

Dans cette alternative la différente composition de la Terre et de Lune s'explique facilement en admettant que les tourbillons avaient des tailles et des compositions différentes.

Cependant, aucun scénario valable a été avancé expliquant pourquoi et comment la Terre aurait capté un aussi grand corps comme la Lune.

En conclusion : Aucune des trois hypothèses avancées précédèrent :

(i) le rapide tournoiement (Darwin),

(ii) deux corps formés à partir du même tourbillon,

(iii) deux corps formés à partir de tourbillons différents,

donne une explication satisfaisante pour la formation de la Lune.

3) L'hypothèse de William. K. Hartman

En 1974, cet astronome a suggéré une quatrième alternative pour la formation de la Lune> Il est revenu tournoiement rapide the Darwin, en suggérant quelque chose de plus dramatique et plus violent, autrement dit une collision (fig. 1.7) :

- Dans les premières centaines de millions d'années, l'univers était très chaotique.

- Les planètes se formaient par agglutination de petits corps sidéraux.

- Les collisions entre les astres et les sous-astres étaient beaucoup plus fréquentes qu'aujourd'hui.

Figure 1.7- L'hypothèse de l'origine de la Lune proposée par Cameron et Canup (1998) peut être illustrée par ce schéma. Un corps plusieurs fois plus massif que Mars aurait entré en collision avec la Terre pendant que celle-ci était encore en phase de croissance. Les deux corps distortues se sont séparés et par la suite auraient à nouveau entré en collision. Les noyaux métaliques auraient fusionné pour former le noyau métallique de la Terre. Après sa formation la Lune tourne autour de la Terre. Dans cette hypothèse, la taille des corps, le point d'impact ainsi que le moment géologique de l'impact sont très particuliers.L'hypothèse de la Tectonique des Plaques admet que la croûte océanique est renouvelée au niveau des dorsales et engloutie au niveau des zones de subduction.

- Un corps similaire à la Terre, mais uniquement avec 10 % de sa masse, aurait entré en collision avec la Terre, il y a environ 4,5 billions d'années en arrière.

- Les deux objets, probablement avec des noyaux métalliques, auraient partiellement fusionné, car les parties plus externes des deux corps auraient été éjectées dans l'espace formant ainsi la Lune.

 

3- Le Temps Géologique

Une métaphore très connue, le calendrier de la Terre, permet d'illustrer l'évolution dans le temps des événements géologiques principaux qui constituent l'histoire de la Terre (fig. 1.8).

Figure 1.8 - Si l'âge de la Terre était d'un an (1er Janvier au 31 Décembre), la croûte se serait formée le 24 Février, la Vie aurait apparu le 21 Mars, les Plantes évoluées le 14 Septembre, les Animaux évolués le 11 Novembre. les Dinosaures auraient apparus le 12 Décembre et auraient disparu le 24 Décembre. L'Homme serait apparu le 31 Décembre à 23h 48m, autrement dit l'Humanité serait vieille d'environ 12 minutes. Cette métaphore souligne l'insignifiance humaine par rapport à l'immensité du temps géologique

Les événements géologiques et biologiques qui caractérisent les différents “âges” sont calibrés en temps Sagittal sur la fig. 1.9. De nos jours, ces événements (voir définition d'événement géologique plus loin) ne peuvent plus être interprétés ni à partir de la philosophie de Lyell (Uniformitarisme) ni à partir des théories “Catastrophiques” (Cuvier, Agassiz, etc.). L'histoire de notre planète semble plutôt être est le résultat synergique d'événements :

(i) Unidirectionnels,

(ii) Cycliques,

(iii)Ponctuels et

(iv) Chaotiques,

dans un monde, où les processus non-linéaires sont fréquents et l'ordre régulier alterne avec l'ordre chaotique

La mise en évidence de ces événements complexes est une des principales missions du géologue. De surcroît, il doit séparer ceux qui ont une signification globale de ceux qui ont une valeur locale et déterminer leurs rapports mutuels et leurs relations chronologiques, ainsi que les forces motrices qui sont à l'origine des différents processus géologiques.

Pour accomplir ces taches le géologue doit bien percevoir:

-(i) la notion de Temps Géologique et,

-(ii) le concept d'Événement Géologique.

(i)- Temps géologique

La première grande découverte qu'un jeune étudiant fait dès qu'il commence à s'intéresser aux Sciences de la Terre est l'immense restriction temporelle que la découverte du Temps Géologique, ou du Temps Profond (selon l'expression de McPhee) a imposé à l'importance de l'homme.

Le concept classique d'une Terre jeune, régie dès ses premiers jours par la volonté humaine, a totalement disparu depuis que l'on s'est aperçu de l'immensité quasi incompréhensible au bout de laquelle, depuis seulement quelques minutes, l'homme est venu l'habiter.

L'insignifiance humaine a été très bien exprimée par Mark Twain dans sa célèbre métaphore de la tour Eiffel:

“L'homme est là depuis trente-deux mille ans. Qu'il ait fallu cent millions d'années pour préparer le monde à son intention est la preuve que celui-ci a été fait pour ça. Je suppose, je ne sais pas. Si on prenait maintenant la tour Eiffel pour représenter l'âge du monde, la pellicule de peinture qui, tout là-haut, coiffe la bosse du pinacle représenterait la portion humaine de cet âge; et il serait clair pour tout le monde que la tour n'a été construite que pour cette mince couche. Si on veut, je ne sais pas”.

Figure 1.9- Depuis la formation de la Terre, les événements géologiques et biologiques principaux sont calibrés en Temps Sagital et divisés en (i) éons, (ii) ères et (iii) périodes. Note les trois grandes phases de raccourcissement du Phanérozoïque (les derniers 600 millions d'années), autrement dit, l'orogénie Calédonienne et Hercynienne, pandant le Paléozoïque et l'orogénie Alpine, pendant le Méso-Cénozoïque.

Depuis quelque temps, l'homme a commencé à distinguer l'immensité géologique qui le précède même si, pour la concevoir, il ne dispose guère que de métaphores.

S. Gould (1990) a retracé cette révolution intellectuelle, en analysant trois maîtres de la littérature géologique, Thomas Burnet (XVIIe), James Hutton (XVIIIe) et Charles Lyell (XIXe) par l'étude des textes originaux, tout à la fois révélateurs et fondateurs de la Géologie. Il a remarqué que la reconstruction du passé de la Terre nous serait inintelligible si nous n'avions recours à deux concepts antagonistes autant que nécessairement complémentaires :

- le Temps Sagittal (ou linéaire),

celui qui du Big Bang à aujourd'hui, s'oppose

- au Temps Cyclique,

celui de l'immanence, des jours, des saisons, des Supercontinents, de la vie éternellement recommencée, etc..

Concevoir de façon abstraite et intellectuelle le temps est assez simple. Tout le monde sait parfaitement combien de zéros il faut ajouter au nombre dix pour représenter des milliards d'années. Par contre, assimiler cette période de temps est beaucoup plus difficile: la notion du Temps Géologique est si étrange qu'on ne peut la saisir qu'au travers de métaphores :

“Imaginons que le yard, vieille mesure anglaise, c'est-à-dire à peu près la distance séparant le nez du roi de l'extrémité de sa main quand il étend le bras représente l'histoire de la terre. Un simple coup de lime sur l'ongle de son médius suffirait alors à effacer toute l'histoire de l'humanité” (McPhee,J.,1980)

(ii)- Événement géologique

Bien que le concept d'Événement en géologie soit trivial et pas très nouveau, son importance est largement sous-estimée par la majorité des géologues, en particulier par les géologues pétroliers.

L'importance des “événements rares” en sédimentologie a été illustrée par les travaux de Hagues (1967). Il a montré le rôle des ouragans comme agents géologiques. Ainsi, il a démontré qu'il y a 95% de chances pour qu'un ouragan frappe n'importe quel point de la côte du Golfe du Mexique tous les 3000 ans :

"quand on connaît la quantité de sédiments qu'un ouragan peut mobiliser, il faut s'attendre, au moins dans le Golfe du Mexique, à ce que ce type d'événement, rare à l'échelle humaine, soit aperçu comme un phénomène très commun dans les registres stratigraphiques futurs".

Pour mieux comprendre la signification et l'importance d'un événement en géologie il est important de ne pas oublier qu'un Système Stratigraphique, comme par exemple, le système Silurien ou Crétacé, autrement dit les dépôts sédimentaires du Silurien ou du Crétacé, sont épisodiques et incomplets, avec de nombreux hiatus (de non dépôt et d'érosion). De ce fait, ils ne traduisent pas la durée équivalente de temps géologique (Ager, D.V., 1984).

Les irrégularités des registres stratigraphiques ne doivent pas être interprétées comme une preuve du Gradualisme de Lyell, mais plutôt comme un résultat des changements ponctuels proposés par S. Gould (1977). Lyell, pour conserver sa croyance dans le Gradualisme, a toujours maintenu que les apparences étaient trompeuses et que les hiatus dans les séries stratigraphiques pouvaient facilement être expliqués sans faire intervenir d'événements catastrophiques:

“si une série stratigraphique préserve uniquement un niveau sur 1000, les changements graduels sont aperçus comme des changements abrupts”.

Cette interprétation de Lyell contraste avec celle proposée par Gould et Eldreidge (1977) qui ont suggéré que la plupart des modifications dans la physique du globe et dans l'histoire de la biologie se font par des changements ponctuels, c'est-à-dire par des renversements rapides de systèmes relativement stables. Les systèmes absorbent les contraintes et résistent à tout changement tant que l'accumulation des contraintes ne dépasse pas le seuil de résistance. Si le seuil de résistance est atteint ou dépassé, le système change vers un nouvel état stable.

Figure 1.10- Cette figure illustre les probabilités (tirées de Gretener, P.E., 1967) éeassociés à un jeu à huit dés avec huit faces. Il y a environ 1 chance sur 2.000.000 de faire huit fois huit, autrement dit, en moyenne, sur 5.000.000 de lanceées on fait une fois six huit.

Gould (1984) n'a pas adopté le terme “catastrophisme” pour ce type de changements discontinus. La théorie du catastrophisme se réfère surtout à des changements globaux , comme par exemple la Théorie du collapse de la croûte d'Elie de Beaumont. Gould met plutôt l'accent sur la vitesse que sur l'extension des changements. Il considère le monde terrestre comme composé de systèmes relativement stables qui résistent aux contraintes jusqu'au seuil de résistance. Ils changent très rapidement vers un nouveau système en équilibre dès que ce seuil est atteint ou dépassé. Les changements ponctuels soulignent la stabilité des systèmes et la concentration des changements durant de courtes périodes qui rompent l'équilibre précédent et rétablissent rapidement de nouveaux systèmes.

Pour définir d'une manière quantitative, le concept d'événement géologique, j'utiliserai les travaux de Gretener sur la théorie des probabilités et le jeu des dés.

Gretener (1967) a montré que la chance de tirer 8 six quand on jete huit dés, est d'environ une sur deux millions. Autrement dit, dans un jeu de dés normal, où on ne permet que quelques lancés, il est préférable de parier contre les huit six. Cependant, au fur et à mesure que le nombre de lancés augmente, une lancé de huit six devient plus probable (fig. 1.10). En effet, il y a 95% de chances d'obtenir au moins un fois huit six dans un total d'environ cinq millions de lancés

A l'échelle humaine (durée de deux ou trois générations) les faibles probabilités sont considérées comme des impossibilités. Cependant, il n'existe aucune loi physique qui les interdise. Il n'y a aucune loi physique qui interdit qu'on lance huit dés et qu'on obtienne huit six. De surcroît, il est absolument indispensable de bien se mettre dans l'esprit que ce qui, à l'échelle humaine est considéré comme impossible, n'est qu'improbable à l'échelle du temps géologique.

Par exemple, si on considère que chaque six d'un dés représente un agent géologique, tels qu'une tempête, un ouragan, un tremblement de terre, etc., on peut faire l'hypothèse qu'un résultat de 7 six représente un événement moins dramatique que celui produit par un résultat de 8 six. De même, un résultat de 6 six sera encore moins dramatique et plus fréquent qu'un résultat de 7 six, etc, etc. Ceci permet de proposer une classification des événements géologiques d'après leur taux de renouvellement (fig. 1.11) :

Figure. 1.11- Classification des événements géologiques proposée par Gretener, d'après la fréquence

Dans ces notes, j'ai utilisé plusieurs fois le terme événement et je l'entend très souvent dans les réunions entre explorateurs. Malgré cela, j'insisterai sur sa signification, car bien que les agents géologiques soient rares et épisodiques à l'échelle humaine, ils induisent des changements ponctuels qui, à l'échelle géologique, sont des processus continus.

Mathématiquement, un événement géologique épisodique est caractérisé par une durée qui ne dépasse que très rarement 1/100 du temps total considéré. Autrement dit, quand on exprime graphiquement un événement géologique épisodique (changement versus temps), il ne représente que l'épaisseur du trait de crayon.

Figure 1.12- Un événement géologique apparaît dans l'échelle géologique comme instantané, alors que dans une échelle temps dilatée il apparaît comme un événement à vitesse finie

Pour le Phanérozoïque (600 Ma - 0 Ma), ce concept d'événement géologique proposé par Gretener est raisonnablement compatible avec la résolution géologique que nous avons aujourd'hui et que est dans le meilleur des cas est de l'ordre de 1 Ma (1.000.000 d'années).

Si on admet que les registres stratigraphiques à potentiel pétrolier varient entre 1 Ma et 1.000 Ma, les processus géologiques ont des durées entre 10 ka et 10 Ma, c'est-à-dire 1/100 de la durée totale. De surcroît, cette fourchette ne prend pas en compte la "myopie" des géologues, laquelle augmente beaucoup au fur et à mesure que l'on descend dans les profondeurs du temps géologique.En fonction du taux de renouvellement, on peut classer les événements géologiques en deux grands groups:

(i) Evénements occasionnels,

quand ils prennent place au moins une fois tous les 100 Ma d'années. La durée de l'événement est d'environ 1 Ma d'années.

(ii) Evénements rares,

quand ils prennent place au moins une fois tous les 1.000 Ma d'années. Dans ces conditions, la durée de l'événement est d'environ 10 Ma (1/100 du temps total).

Un événement géologique rare est défini comme un épisode ponctuel dont le taux de renouvellement durant toute l'histoire de la Terre est très faible (2-5 fois) et pour lequel aucune loi physique ne permet de le remettre en question. Vue l'ampleur des intervalles de temps considérés en géologie, un tel ce concept est relatif

4- La Géologie

Principes Fondamentaux

Depuis le XVII siècle, les méthodes utilisées par les différents hommes de Science pour rendre intelligible l'histoire de la Terre, autrement dit la Géologie, se sont basées sur trois principes fondamentaux dérivés des lois physiques et chimiques de Nicolaus Steno. Ces trois principes, comme n'importe quelle autre hypothèse scientifique, ont été peu à peu falsifiés et améliorés par des changements successifs.

1) Principe de la Superposition

“Dans une séquence de couches sédimentaires non déformée, les couches les plus anciennes sont à la base et les plus jeunes au sommet”

Ce principe est toujours valable. Il n'a souffert aucune modification significative depuis que Steno l'a mis en évidence (exception faite pour les terrasses).

2) Principe de l'Horizontalité

“Les couches sédimentaires se déposent horizontalement”

Ce principe a évidemment été amélioré depuis. Nous savons aujourd'hui que les plans de stratification sont des surfaces chronostratigraphiques composées par des environnements qui ont des inclinaisons différentes.

Il est évident que les dépôts alluviaux, en arrière de la ligne de baie, et les dépôts de talus, notamment les "Gilbert delta" ne se déposent pas horizontalement.

Cependant, étant donné la faible importance des pendages sédimentaires (exception faite pour certains carbonates et cônes sous-marins de talus) on peut dire que ce principe reste, dans ses grandes lignes, valable:

"la grande majorité des couches sédimentaires se dépose avec des pendages inférieurs à 10°, ce qui n'est pas loin de l'horizontale"

3) Principe de la Continuité

“Les couches se déposent en continuité latérale et terminent, soit en biseau, soit contre les bordures du bassin”

Ce principe est toujours valable. Il admet que la continuité latérale peut être rompue par l'érosion ou par des mouvements tectoniques et que les roches initialement connectées peuvent, plus tard, être séparées par la formation de vallées fluviales, ce qui était très difficile à expliquer au XVII siècle.

Au fur et à mesure de l'évolution des connaissances géologiques d'autres principes géologiques sont venus s'ajouter aux principes de Steno. Je citerai quelques uns à titre d'exemple:

Principe d'Intrusion - Ce principe indique que l'âge relatif entre deux roches intrusives, ou entre une roche intrusive et une roche sédimentaire, peut être déduit des rapports géométriques:

"la roche envahissante est toujours plus jeune que la roche envahie"

Principe de Composition - Ce principe dit qu'une roche est plus jeune que ces composants. Il s'applique à tous les types de roches. Une roche granitique est plus jeune que les xénolithes qu'elle contient. Un conglomérat est plus jeune que ses galets (lesquels, le plus souvent, sont des morceaux de roches sédimentaires plus anciennes).

Principe d'Intersection - Ce principe permet de dater les filons intrusifs qui se recoupent. Le filon le plus récent déplace le filon le plus ancien. Ce principe est également très utilisé pour dater d'une façon relative les systèmes de failles. La faille déplacée étant la plus ancienne.

NB- Ce principe n'est valable que lorsqu'il est appliqué à des surfaces d'observation relativement planes. Ainsi, dans le cas des cartes structurales en isochrones ou en isohypses, du fait de la topographie, c'est la faille apparemment déplacée qui est la plus récente.

Principe de Succession des fossiles - Ce principe a été proposé par William Smith vers la fin du XVIII siècle, qui a remarqué que la distribution des fossiles dans les roches n'était pas aléatoire mais suivait une succession verticale déterminée. Il est intéressant de remarquer que l'auteur de ce principe n'a jamais cru à l'évolution des espèces alors que cette même succession est aujourd'hui expliquée par tout le monde comme une conséquence naturelle de l'évolution des espèces.

Principe de Walther - Ce principe dit qu'en continuité de sédimentation ce que l'on trouve latéralement se retrouve aussi verticalement. En d'autres termes, si on reconnaît latéralement un faciès gréseux de plaine côtière, puis un faciès argileux de talus et finalement un faciès argileux de plaine abyssale, en continuité de sédimentation, on doit reconnaître verticalement, un faciès argileux de plaine abyssale, un faciès argileux de talus et finalement un faciès gréseux de plaine côtière.

Principe de Goguel - Ce principe, bien que très ancien, a pris une place très importante dans la Géologie à la suite des travaux de Goguel (1954) qui a introduit la deuxième loi de la thermodynamique dans la Géologie et tout particulièrement dans la Tectonique:

”au cours de la déformation, à la diminution près de la porosité, le volume des sédiments doit rester constant”.

Depuis trois siècles, les géologues ont utilisé ces principes de la Géologie, et bien d'autres, pour corréler et dater les roches. Dans cette tache, autrement dit dans la Stratigraphie, l'étude des fossiles a été particulièrement importante avec la mise en évidence de fossiles guides qui ont permis d'établir les principales divisions stratigraphiques et une datation relative des roches.

Les fossiles guides obéissent aux conditions suivantes:

(i) ils sont facilement distingués des autres;

(ii) ils apparaissent dans plusieurs types de roches;

(iii) ils ont une distribution géographique spatiale importante et une distribution stratigraphique (temporelle) réduite.

 

Unités Stratigraphiques

Conventionnellement, les géologues ont divisé les registres stratigraphiques en ensembles rocheux tridimensionnels nommés Formations, qui sont composés par des roches d'un type particulier et d'une même origine. Les formations sont relativement homogènes et le plus souvent composées par un seul type de roches. Elles sont dénommées d'après la géographie. Très souvent le nom d'une ville ou d'une rivière ont été utilisés.

Dans certains cas, comme par exemple les séries deltaïques, les formations peuvent être constituées par une alternance de types pétrographiques. Une formation a normalement une section type dans un endroit particulier où les limites supérieures et inférieures sont définies. Elles sont souvent composées par des Membres et assemblées en Groupes lesquels peuvent être combinés en Supergroupes.

Figure 1.13 - Les limites biostratigraphiques de la zone X sont approximativement parallèles aux lignes temps et obliques aux lignes faciès (lithologie).

Toutes ces entités sont lithostratigraphiques et indépendantes des lignes temps. Leurs limites ne sont pas nécessairement des lignes chronostratigraphiques. Pour cette raison, les géologues ont superposé aux classifications lithostratigraphiques d'autres classifications, en particulier la Biostratigraphie. Celle-ci basée sur les relations temporelles données par les fossiles, et l'unité de base est la zone.

Une zone peut se définir comme un registre stratigraphique caractérisé par:

(i) une espèce particulière de fossiles,

(ii) une association de fossiles ou

(iii) l'acmé (zone d'extension maximale) d'une espèce.

Bien que les limites des zones biostratigraphiques ne soient pas parfaitement parallèles aux lignes temps, les classifications biostratigraphiques peuvent, sans grande erreur, être considérées comme des classifications chronologiques (fig. 1.13).

Au départ, c'est avec la Biostratigraphie que les géologues ont distingué les notions d'Unité Temps et d'Unité Stratigraphique. La première concerne un temps et la deuxième un espace. Ainsi,

a) Si on considère le temps,

- L'histoire de la Terre se divise en trois (3) Éons.

- Les éons se subdivisent en Ères.

- Les ères sont découpées en Périodes.

- Les périodes comprennent plusieurs Époques.

- Les époques sont à leur tour composées de plusieurs Âges.

Figure 1.14- Le temps géologique se divise en Eons, Eres, Périodes, Epoques et Ages. La durée de chaque Période depuis l'Archeozoïque (100%) est indiquée en pourcentage. Uniquement à titre d'exemple sont indiquées quelques Epoques et quelques Ages. Les équivalents stratigraphiques des ces divisions temps sont respectivement: Eonothèmes, Erathèmes, Systèmes, Séries et Etages.

b) Si l'on considère les unités stratigraphiques (espace) correspondantes, on utilise les termes suivants (fig. 14):

- Enothème (équivalent à un éon),

- Erathème (équivalent à une ère),

- Système (équivalent à une période),

- Série (équivalent à une époque) et

- Étage (équivalent à un âge).

Toutes ces intervalles de temps ont été au départ relatifs et basés sur l'étude des fossiles et sur le principe de superposition. La découverte de la désintégration radioactive par Henri Becquerel a permis de dater d'une manière absolue certains types de roches et les intervalles de temps sont devenus absolus :

- L'utilisation des minéraux radioactifs pour dater les roches, réside dans le fait que chaque élément radioactif a une vitesse de désintégration propre et à peu près constante.

- Si on connaît la vitesse de désintégration et le pourcentage des isotopes père et fils on peut calculer depuis quand la désintégration a lieu, autrement dit l'âge de la formation de la roche.

- L'isotope père est celui qui se désintègre par perte de particules sub-atomiques. Le produit de la désintégration est l'isotope fils.

- Les isotopes radioactifs se désintègrent à un taux exponentiel. Quelque soit au départ la quantité d'isotope père, une moitié de cette quantité sera toujours présente à partir d'un temps fixe pour un isotope donné- c'est la “demi-vie”.

- Bien que les “demi-vies” des isotopes radioactifs soient bien établies, cela ne signifie pas que les datations radiométriques permettent des corrélations entre les différentes roches plus cohérentes que celles données par les fossiles ou par les principes géologiques cités précédemment.

- La plupart des minéraux qui peuvent être datés radiométriquement sont d'origine ignée. Ces minéraux n'indiqueront que l'âge maximum ou minimum des roches sédimentaires associées.

L'incertitude des datations radiométriques est très importante. Les résultats des datations sont toujours suivis par le symbole et un petit numéro. Ex: 550 +/- 10 millions d'années. Le symbole +/- (plus ou moins) indique l'incertitude qui, dans la plupart des cas, est attribuée aux erreurs de mesure des pourcentages des isotopes père et fils. Au cours de la dernière décennie la précision des mesures à considérablement augmentée, surtout pour les périodes récentes (< 100 My).

Magnéto-Stratigraphie

Depuis quelques années il est apparu une méthode qui permet de bonnes corrélations globales. Cette méthode est basée sur les inversions de polarité du champ magnétique terrestre. Elle a donné naissance à la Stratigraphie Magnétique ou Magnéto-Stratigraphie.

Fig. 1.15- Le champ magnétique d'un aimant est souligné par l'alignement des débris férrigineux sur une feuille de papier, comme illustré sur le schéma gauche de cette figure. Le champ magnétique terrestre, schématisé sur la droite, peut être comparé à celui d'un énorme aimant placé au centre de la Terre et incliné légèrement (11° vers NE). L'aiguille d'une boussole s'orient suivant les lignes de la force magnétique produites par un tel aimant et indiquées sur ce schéma.

La Terre se comporte comme un aimant géant (fig. 1.15). La partie interne de la Terre, connue sous le nom de Noyau, est constituée par des minéraux très lourds (fer et nickel) et est, en grande partie, à l'état liquide. Ce sont les mouvements de la partie liquide du noyau qui génèrent le champ magnétique.

Fig. 1.16- Les polarités magnétiques des coulées de lave ont été utilisées par les géologues pour construire une échelle temps magnétique. Cependant, à l'intérieur des époques de polarité magnétique, il y a des petites variations de polarité qu'on dénomme évènements.

Au moment du dépôt des roches les minéraux ferrugineux vont s'orienter suivant le champ magnétique terrestre (fig.1.16). La magnétisation des roches entraîne un magnétisme rémanent fossile qui peut être utilisé comme une boussole fossile pour déterminer la direction du champ magnétique ancien ou paléomagnétisme.

Fig. 1.17- Echelle de polarité magnétique pour le Cénozoïque. Les chiffres représentent des millions d'années et les polarités normales sont en noir.

Pour cela il suffit de mesurer sur un échantillon orienté, à l'aide d'un magnétomètre sensible, l'angle de la déclinaison D et l'angle de l'inclinaison I. La latitude (L) est déterminé à partir de l'équation:

Tan L=1/2 (Tan I)

Les mesures du champ magnétique fossile ont montré qu'au cours de l'histoire de la Terre les pôles magnétiques, pour des raisons encore très mal connues, se sont inversés plusieurs fois. L'intervalle de temps entre ces inversions magnétiques varie beaucoup. Durant l'ère Cénozoïque on peut avancer une moyenne d'environ 500.000 années. Les intervalles de temps pendant lesquels la polarité est la même qu'aujourd'hui sont appelés intervalles normaux et dans le cas contraire ils sont appelés intervalles inverses.

L'échelle de polarité magnétique depuis le Crétacé est illustrée sur la fig. 1.16. Les chiffres représentent des millions d'années. On peut constater que la moitié du temps, le champ magnétique a une polarité normale, comme il est illustré par la couleur noire sur la fig. 1.17.

La principale difficulté de l'utilisation des registres magnétiques dans les corrélations géologiques est l'identification, pour une certaine région, de l'événement géologique global qui est représenté par l'inversion magnétique. Ce problème est partiellement résolu quand une signature magnétique peut se mettre en évidence dans une séquence d'inversions. Ainsi, si dans une série d'âge Eocène on reconnaît une succession d'inversions dans laquelle un long intervalle normal est intercalé entre deux longs intervalles inverses, l'âge le plus probable est l'Eocène moyen est (fig.1.17).

L'utilisation de la Stratigraphie Magnétique, en conjonction avec d'autres méthodes, a permis aux géologues de dater avec certitude les sédiments Cénozoïques, et la partie supérieure du Mésozoïque.

Horizons chronostratigraphiques

Certains événements géologiques relativement fréquents permettent de mettre en évidence des surfaces chronostratigraphiques sur des régions suffisamment importantes pour que ces surfaces puissent être considérées comme des repères chronostratigraphiques.

Ces surfaces permettent la corrélation entre sédiments très éloignés et souvent déposés dans des bassins sédimentaires différents. Dans des cas particuliers, elles peuvent être des plans de stratification de couches sédimentaires et, sans grande erreur, peuvent être considérés, comme des lignes temps. Ces surfaces (surfaces repères) se repartissent en deux familles:

A) Celles qui sont associées à des conditions de dépôt particulières et

B) Celles qui sont associées à des variations relatives du niveau marin.

Comme exemple des premières (A) nous pouvons citer:

1) les cinérites et les bentonites (cendres volcaniques).

Ces roches ont une énorme distribution spatiale et sont le plus souvent associées à l'éruption d'un volcan unique ou, à une série d'éruptions simultanées.

2) Les tillites glaciaires.

Ce type particulier de roches indique une période de refroidissement global.

3) Les couches évaporitiques.

Ces roches, à composition chimique très particulière, se déposent horizontalement sur des grandes surfaces. Elles s'individualisent facilement des couches sous-jacentes et des couches supérieures.

Comme exemple des deuxièmes (B) nous pouvons citer:

1) les discordances,

2) les surfaces basales de progradation et

3) les limites régression-transgression.

Intégralité et Préservation des sections stratigraphiques

Depuis toujours, les géologues se sont posés la question de la continuité versus discontinuité des événements géologiques. A la question: les registres sédimentaires sont-ils le résultat de processus géologiques plus ou moins continus ou sont-ils associés à des processus extraordinaires qui prennent place de manière spasmodique? les géologues ont, depuis le 18ème siècle, donné, des réponses très opposées.

Aujourd'hui, la majorité des géologues considère que les registres sédimentaires sont incomplets et séparés par d'importantes périodes de calme pendant lesquelles rien ne se passe.

Il est surprenant de noter que certains sédimentologistes continuent à oublier dans leurs modèles les longues périodes de calme ou rien ne se passe. Dans la plupart des sections stratigraphiques, la durée des hiatus (non-dépôt ou érosion) est généralement plus importante que la durée totale de dépôt effectif des sédiments préservés.

Certains dépôts, comme par exemple les dépôts fluviatiles et tout particulièrement les dépôts de débordement, ont une préservation relativement faible. Ils se déposent au-dessus du niveau de base. Par contre, les dépôts turbiditiques, qui généralement sont des dépôts d'eau profonde (des dépôts associés à des courants de gravité sont également possibles dans des environnements lagunaires) qui soulignent des événements géologiques épisodiques, ont une préservation excellente, car ils se déposent largement au-dessous du niveau de base.

Figure 1.18- Dans ces deux modèles stratigraphiques il est important de remarquer que dans la partie supérieure de chaque section la durée des périodes de non dépôt est largement supérieure à celle du dépôt. La plupart des événements géologiques qui ont pris place pendant cette période n'ont pas été préservés.

Les sections stratigraphiques sont, dans la métaphore de Sadler (1982), des archives locales de l'histoire géologique. Les registres de ces archives sont les couches sédimentaires déposées en séquence et qui sont, le plus souvent, numérotées d'après leur épaisseur plutôt que d'après leur temps de dépôt. Cependant, les sections stratigraphiques contiennent des nombreux hiatus induits soit par l'érosion, soit par les périodes de non-dépôt.

Trois questions viennent toujours à l'esprit des géologues:

1) En combien de temps se dépose une couche sédimentaire?

2) En combien de temps une certaine section stratigraphique s'est-elle déposée?

3) Par rapport à la durée totale de dépôt d'une section stratigraphique, pendant combien de temps y a t-il eu vraiment dépôt?

Les réponses aux deux premières questions sont relativement faciles:

a) Une lamination d'un dépôt de plage se dépose en environ une seconde.

b) Une couche HCS (“ hummocky cross stratification ”), caractéristique des dépôts de tempête, se dépose en quelques minutes.

c) Une couche turbiditique se dépose en quelques heures.

d) Des dépôts d'inondation, tels que les Scablands (dépôts et érosions associées aux inondations induites par la rupture de la rétention des lacs en arrière de glaciers du Plio-Pléistocène) du Canada, se déposent pendant quelques semaines.

e) Des varves glaciaires se déposent pendant 1 an.

f) Un centimètre de sédiments pélagiques se dépose pendant environ 10^3 ans.

g) Un sous-cycle d'empiétement continental se dépose en 10-20 x 10^6 ans,

h) Un cycle d'empiétement continental se dépose en 100-200 x 10^6 ans.

En 1982, à ce sujet, P. M. Sadler a montré que la durée d'un dépôt est inversement proportionnelle à la vitesse de sédimentation, autrement dit plus la vitesse de sédimentation est grande plus courte est la période de dépôt. De ceci, il s'ensuit que la majorité des périodes de non-dépôt nous échappent, ce qui a amené Ager à considérer que les registres sédimentaires correspondent à des courtes périodes de terreur séparées par des longues périodes de calme où rien ne se passe.

Il est beaucoup plus difficile de répondre à la dernière question parce qu'elle pose le problème de l'intégralité (“ completeness”) des sections statigraphiques, c'est-à-dire celui de savoir combien d'événements géologiques, qui ont pris place pendant la durée totale de dépôt, sont préservés dans la section.

Préservation des sections stratigraphiques

En grande partie, la préservation des sections stratigraphiques est liée à:

(i) l'amplitude,

(ii) la fréquence des événements stratigraphiques et à

(iii) l'environnement de dépôt.

Les événements stratigraphiques les plus représentés dans les registres stratigraphiques sont ceux qui ont une fréquence normale ou faible, autrement dit ceux qui prennent place sporadiquement.

Au point de vue de la fréquence, les cônes sous-marins de bassin ou de talus sont très significatifs, car les niveaux turbiditiques contrastent très fortement avec les intervalles pélagiques qui les séparent. Les intervalles pélagiques sont des événements stratigraphiques à fréquence normale, tandis que les intervalles turbiditiques sont associés à des événements géologiquement instantanés.

L'exemple proposé par R. H. Dott, en 1983, donne une bonne image du rapport magnitude / fréquence des événements stratigraphiques:

Exemple : Fréquence des dépôts turbiditiques

1) Imaginer un intervalle stratigraphique composé par 100 couches de turbidites et d'argiles pélagiques où chaque couche turbiditique a une épaisseur de 10 cm et chaque couche pélagique a une épaisseur de 5 cm. L'épaisseur totale étant de 1500 cm.

2) Etant donné que la vitesse moyenne de dépôt des argiles pélagiques est 5 cm / 1000 ans et que les courants turbiditiques sont des événements stratigraphiques instantanés, on peut déduire :

a) Que le temps total de dépôt est 100.000 ans et,

b) La fréquence des courants turbiditiques est de 1000 ans.

Conclusions :

a- Deux tiers de l'intervalle sédimentaire ont été déposés par des événements instantanés dont la fréquence est un événement par mille ans.

b- En 10 millions d'années, 10.000 événements géologiquement instantanés peuvent déposer une section de 1500 mètres d'épaisseur.

A ce propos je rappel:

"ce qui paraît impossible à l'échelle humaine devient, à l'échelle du temps géologique, possible, et l'improbable devient inévitable"(Simpson G. G. 1952)

En adoptant un axiome mathématique bien connu, certains géologues (P. E. Gretener, 1967) admettent qu'un événement géologique est rare lorsqu'il dure environ 1/100 de la durée totale de la période à laquelle il est affecté. Ainsi, pendant le Phanerozoïque, dont la durée est environ 600 millions d'années, un événement peut être considéré comme rare s'il a une durée de 6 millions d'années.

Dans cette perspective, les cycles stratigraphiques associés aux cycles eustatiques de 3ème ordre, c'est-à-dire les séquences de P. Vail, bien qu'étant associées à des processus complexes et discontinus, peuvent-elles être considérés comme des événements stratigraphiques rares? Je ne le pense pas, car un événement géologique rare n'a pas de cyclicité. Un événement est rare quand il ne se repète pas à intervalle régulier. Une séquence n'est pas un événement rare, car une séquence est précédée et suivie par des séquences du même type (communication orale de P. Bouisset, 1997).

 

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Dernière modification : Juin, 2014