Chapitre VIII

Orogénies, Métamorphisme, Continuité vs Discontinuité

 

20- Orogénies et Métamorphisme

Le fait le plus caractéristique de l'histoire géologique de la Terre et dont on ne retrouve pas d'équivalent sur la Lune ou sur Mars, est l'existence de Chaînes Plissées ou d'Orogènes, c'est-à-dire, de grandes bandes, au sein desquelles, les roches ont été, profondément, déformées par des plis et des chevauchements, etc..

La déformation des roches est accompagnée par du métamorphisme, autrement dit, par une recristallisation, plus au moins, complète de la matière avec apparition de phases minéralogiques nouvelles, stables dans les conditions de température et de pression alors atteintes. Le métamorphisme est inévitablement accompagné d'une déformation lente, mais de longue durée. Il se produit sous contrainte, comme le montre l'orientation des grains de ces roches.

Un orogène affecte toute l'épaisseur de la croûte sur des dizaines de kilomètres et, pour l'essentiel, il est lié au métamorphisme, sauf pour la pellicule superficielle, relativement, mince que nous observons sur le terrain lorsqu'elle n'a pas été érodée (ex: Jura, chaînes sub-alpines, Pyrénées externes, etc.).

Cette pellicule déformée hors métamorphisme comporte, au moins, une partie de la couverture sédimentaire et parfois des blocs du socle cristallin, non repris dans le métamorphisme. Par contre, au cours du métamorphisme, lorsque de toute façon la matière recristallise, toute contrainte influe sur le développement de cette recristallisation et entraîne une déformation très lente.

La couverture sédimentaire superficielle présente le gros intérêt de nous permettre de replacer les épisodes successifs de la déformation dans l'échelle chronologique fournie par la stratigraphie, en utilisant la paléontologie. Cette déformation progressive des orogènes se produit pendant des phases paroxysmales dont il est difficile de préciser la durée (voir plus loin). D'autre part, tout orogène montre la trace de multiples phases successives, souvent, différentes d'un point à l'autre.

D'après Goguel (1964), ce qu'il faut retenir, c'est la notion d'alternance entre des périodes prolongées de déformations lentes et progressives, mais avec des vitesses très inégales et des phases de paroxysme non nécessairement synchrones, même dans des régions voisines. Localement, la déformation n'est, certainement, pas uniforme. Il est très difficile de dire quel est le résultat global de ces phases paroxysmales différemment distribuées dans l'espace et dans le temps.

Dans le langage tectonique conventionnel on dit qu'un orogène est une bande d'une certaine longueur qui a subi une contraction ou un raccourcissement latéral et qui apparaît comme un effet de serrage. Cependant, il ne faut pas commettre l'erreur de chercher à l'extérieur de l'orogène les blocs rigides entre lesquels l'orogène a été comprimé, autrement dit, les "serres", ni l'origine des forces de compression. Des contraintes tectoniques existent, plus ou moins, sur toute l'étendue des plaques, où elles varient lentement et progressivement, sous l'effet du jeu profond des courants de convection.

Ce qui différencie les orogènes ce n'est pas l'existence des contraintes, mais la chute de la résistance mécanique qui permet à la croûte de se déformer dans son ensemble sous son action (Goguel, 1963). Cette chute de résistance mécanique et de rigidité est, naturellement, attribuée à la généralisation des conditions de température qui permettent les recristallisations caractéristiques du métamorphisme.

Cependant, la partie supérieure de la croûte froide et rigide ne peut suivre cette déformation que parce que les contraintes mécaniques augmentent, progressivement, jusqu'à la limite de résistance des roches et y produisent des déformations. Ainsi, si la localisation des orogènes, dans le temps et dans l'espace, est due beaucoup plus à un échauffement profond de la croûte, qui permet une déformation par recristallisation métamorphique, qu'à une intensification des contraintes moyennes, transmises à travers la croûte (étant entendu que la déformation progressive de celle-ci entraîne une intensification locale des contraintes dans sa partie supérieure, restée rigide jusqu'à ce que celle-ci se déforme à son tour), nous sommes ramenés au problème de savoir quand, où et pourquoi cet échauffement se produit (Goguel, 1963).

D'autre part, la vision de l'évolution des orogènes reste encore controversée. D'un côté, nous trouvons les adeptes de la discontinuité dans l'histoire de la Terre, c'est-à-dire, ceux de l'école de H. Stille et, de l'autre côté, les adeptes de la continuité, c'est-à-dire ceux qui suivent l'école de E. Argand. Les différences entre ces deux écoles sont, principalement, d'ordre philosophique. Elles concernent :

(i) L'attitude envers l'uniformitarisme, et

(ii) La croyance en la prépondérance de l'ordre (régularité) ou du désordre (irrégularité) dans les phénomènes géologiques.

NB. L'uniformitarisme est le principe géologique admis par Hutton pour qui “the past history of our globe must be explained by what can seen to be happening now”. A une certaine époque, dans l'histoire de la Terre, ce principe, qui a été ainsi nommé par C. Lyell, a graduellement remplacé celui des événements catastrophiques. Cependant, le terme uniformitarisme n'a pas été adopté par beaucoup de géoscientistes. Ils l'ont, progressivement, remplacé par celui d'actualisme, qui est plus approprié pour traduire la pensée de Hutton “actual causes”.

Ces différences ne sont pas confinées au 20ème siècle (C. Sengör, 1991). Leurs racines sont très antérieures à l'avènement de la Géologie comme science indépendante. Elles sont, directement, liées aux idées de Hutton et de Werner (C. E. Wegman, 1958) et expriment, en Géologie, les pensées philosophiques de Démocrite et d'Aristote (C. Sengör, 1979, 1982), autrement dit, celle de l'école Atomiste et celle de l'école Péripatéticienne (D. Furley, 1987 et 1989).

Au 20ème siècle, le schisme des scientifiques de la Terre (H. Stille / E. Argand) est, fondamentalement, non-géologique et de nature non-empirique. Il souligne, surtout, les visions cosmologiques qui forment le "Leitbilder" philosophique à la lumière duquel les adeptes des deux écoles ont construit leurs modèles (K. Popper, 1968, 1982; C. E. Wegmann, 1950, C. Sengör, 1991). En d'autres termes, la vieille controverse entre les géoscientistes, n'est pas le résultat des hypothèses géologiques admises à priori, ou de la nature des données d'observation utilisées, mais la conséquence directe des croyances métaphysiques sur des concepts tels que le déterminisme, l'uniformité, le désordre, l'ordre, etc..

Indépendamment de l'aspect épistémologique, l'adoption des préceptes de l'une ou de l'autre de ces écoles dans l'Exploration Pétrolière a des implications très différentes. Ainsi, il nous semble important de rappeler ci-dessous quelques principes de base et quelques applications sur des sujets qui vous sont familiers.

Rappel Historique

Avant l'avènement de la Géologie, les savants, et en particulier ceux qui s'intéressaient aux problèmes de la Nature, se sont alignés derrière les deux grandes écoles philosophiques grecques :

- L'École Péripatéticienne (Aristote) et

- L'École Atomiste (Démocrite).

Aristote croyant à un "schéma divin" a basé toute sa pensée philosophique sur la régularité, l'ordre et le déterminisme. Au contraire, Démocrite, qui ne croyait en aucune intervention divine, a basé toute sa philosophie sur l'irrégularité et le non-déterminisme. Ces deux écoles ont divisé les spécialistes des sciences de la Terre dès les débuts de la Géologie comme science à part entière. La pensée péripatéticienne a été adoptée par A. G. Werner (1749-1817), tandis que la pensée atomiste a été suivie par James Hutton (1726-1797).

Au 20ème siècle, H. Stille (1876-1966) en considérant l'orogenèse comme un événement géologique épisodique et synchrone, à l'échelle de la Terre entière, qui devait être étudié par une approche déterministe, non-uniformitariste, a été le plus célèbre représentant de la philosophie d'Aristote dans les études géologiques. A l'opposé, Emile Argand (1876-1940), qui a étudié la formation des chaînes de montagnes d'une façon uniformitariste et non-déterministe, a été, jusqu'à sa mort, le chef de file de la philosophie de Démocrite, tout particulièrement dans les études tectoniques. Au contraire de H. Stille, Emile Argand considérait l'orogenèse comme un événement géologique continu dans lequel des événements épisodiques irréguliers pouvaient prendre place localement.

Les querelles entre ces deux écoles apparemment opposées ont beaucoup fait avancer la Géologie, car derrière les concepts de "continuité" admis par E. Argand et de "discontinuité" admis par H. Stille, il s'est ouvert un monde nouveau pour les géoscientistes, en particulier pour ceux travaillant dans les compagnies pétrolières.

a) La “continuité”, qui exige:

(i) une pensée rationnelle et (ii) une vue d'ensemble,

est surtout l'apanage des géologues de synthèse.

b) La “discontinuité”, qui est observée dans les données géologiques, terrain, subsurface, sismique, etc., et qui est la base de la stratigraphie, est surtout le monopole des géologues de terrains analystes.

C. E. Wegmann (1950) a considéré que la continuité et discontinuité divisait les géologues déjà au 19ème siècle :

- Sans les coupures géologiques, il n'y aurait pas de stratigraphie, et sans continuité il n'y aurait pas de vue d'ensemble.

- C'est à partir de ces deux points de vue que les géoscientistes ont toujours essayé d'éclairer et d'interpréter l'histoire de la Terre et des êtres vivants.

De ce fait, Wegmann a suggéré qu'il est utile de ne pas considérer ces querelles uniquement comme le résultat de l'état de la recherche géologique, mais bien plutôt comme faisant partie intégrante d'un développement historique.

Les grandes idées géologiques séparant ces deux écoles ont été résumées par Sengör (1991) :

École atomiste

Hutton, James (1726-1797) :

Pas de stratigraphie à l'échelle de la Terre entière.

Lyell, Charles (1797-1875) :

L'alternance d'épisodes orogéniques et de périodes de repos, à l'échelle de la Terre entière, n'est que la conséquence de la confusion entre le temps géologique et l'âge donné par les roches (Ex : période Silurien / système Silurien, ou Crétacé Terminal / Crétacé Supérieur).

Suess, Eduard (1831-1914) :

Les chaînes de montagnes se soulèvent lentement et semi-continuellement. Les épisodes orogéniques ne sont ni globaux, ni synchrones. Cependant, des corrélations stratigraphiques à l'échelle de la Terre entière sont possibles grâce aux événements eustatiques.

Argand, Emile (1879-1940) :

L'orogenèse est continue, mais ses enregistrements ne le sont pas. Une discordance traduit la terminaison d'un dépôt, mais pas la fin du mouvement orogénique.

École Péripatéticienne

Werner, A. G. (1749-1817) :

La stratigraphie est à l'échelle de la Terre entière.

Elie de Beaumont, L (1798-1874) :

La stratigraphie globale est la conséquence de l'existence d'épisodes orogéniques à l'échelle de la Terre entière, qui alternent avec des périodes de repos.

Chamberlain, T. C. (1843-1928) :

Les chaînes de montagne se soulèvent durant les périodes critiques de l'histoire de la Terre, lesquelles alternent avec des périodes de tranquillité tectonique.

Stille, H. (1876-1966) :

L'orogenèse est confinée à des phases tectoniques globales et synchrones de courte durée (300k ans). Pendant le Phanérozoïque, par exemple, uniquement 1/40 du temps a été orogénique.

Au début du 20ème siècle, à la suite des travaux de H. Stille et de E. Argand, le schisme est pratiquement total. Cette division, qui s'est poursuivie après la mort d'Argand, a fait l'objet de nombreuses publications. En 1950, la "Geologische Rundschau" a dédié le deuxième cahier du volume 38 (1950) tout entier à la confrontation entre H. Stille et J. Gilluly. En 1949, ce dernier, dans son adresse présidentielle à la Société Géologique d'Amérique, a vivement critiqué la théorie des phases tectoniques de H. Stille qui, comme tous les adeptes de la pensée d'Aristote, soutenait que les chaînes de montagnes sont, à l'échelle de la Terre entière, des phénomènes épisodiques synchrones et de courte durée, qui alternent avec des périodes anorogéniques nettement plus longues.

Phases tectoniques

Bien que la plupart des différences entre l'école de Stille et d'Argand soient liées aux croyances cosmologiques, qui sont à la base des hypothèses géologiques admises à priori et des modèles pris pour interpréter les données, plutôt qu'aux données elles mêmes, il faut aussi dire que l'approche scientifique de ces deux écoles n'est pas la même.

L'école de Stille utilise une approche inductiviste, alors que l'approche utilisée par Argand est très pragmatique (Peirce, C. S., 1989) et proche de ce que, dans les années trente, K. Popper a appelé hypothético-déductive (K. Popper, 1982, pour la traduction française).

En fait, les hypothèses de H. Stille sont, principalement, basés sur la croyance en la régularité (ordre) et au catastrophisme pour la formation des chaînes de montagne (le catastrophisme est une théorie basée sur le mythe des destructions successives de la surface de l'écorce terrestre par de violents et surnaturels cataclysmes, dont le Déluge est l'exemple classique). Ainsi, naturellement, il a introduit, dans la tectonique, le concept des phases tectoniques ubiquistes, c'est-à-dire à l'échelle de la Terre entière.

NB : Une position similaire a été prise dans la Stratigraphie Séquentielle, par P. Vail et coauteurs (1977). Ils ont tendance a corréler globalement, autrement dit, à l'échelle de la Terre entière, tous les cycles stratigraphiques. C'est une attitude déterministe, non-uniformitariste, typique de l'école Péripatéticienne. Personnellement, comme nous l'avons montré en plusieurs publications (Duval et al, 1993, 1994), nous admettons la spécificité globale, uniquement, pour les cycles stratigraphiques associés aux cycles eustatiques de 1e ordre, où l'eustatisme est la conséquence des variations du volume des bassins océaniques induites par les montagnes océaniques (rides océaniques). Quelques cycles stratigraphiques associés à des cycles eustatiques de 2e ordre sont peut être globaux, d'autres non. Par contre, les cycles-séquences, c'est-à-dire, les cycles stratigraphiques associés aux variations eustatiques de 3e ordre, dont les causes peuvent être très diverses, ne sont pas corrélables à l'échelle de la Terre entière. Elles sont liées à des événement non-déterministes, irréguliers et le glacio-eutstatisme n'est pas global comme l'a montré Peltier (1980).

Ces phases sont soulignées par des discordances (ruptures de la continuité de dépôt des couches sédimentaires, autrement dit, hiatus qui correspond à un temps géologique important dont la représentation physique est une ancienne surface d'érosion). Dans l'école tectonique non-uniformitariste, déterministe, les discordances et leurs corrélations à l'échelle de la Terre entière, ont une importance toute particulière. Elles sont utilisées pour dater les événements tectoniques. Les surfaces des discordances correspondent pour Stille à des périodes de non de dépôt (idée originelle d'Elie de Beaumont) et sont les seuls indicateurs de l'orogenèse. Cette position traduit bien la pensée de Werner dans les études tectoniques, c'est-à-dire l'utilisation des concepts de régularité et de non-uniformitarisme.

L'épisodicité de l'orogenèse admise par Stille a été vivement critiquée par Shepard (1923) qui a considéré les hypothèses admises par Stille et ses disciples, comme non-empiriques, autrement dit, métaphysiques, car toute réfutation est impossible. En effet, l'idée d'une orogénie épisodique et synchrone, à l'échelle de la Terre entière, (“Aristoteles dixit”) comme toutes les autres hypothèses de travail, doit pouvoir être testée.

Les hypothèses admises par l'école de Stille impliquent un eustatisme tel que défini par Suess :

"une chute durant les périodes d'orogenèse et une montée pendant les périodes anorogéniques"

A ce propos, bien que l'importance des variations du niveau de la mer dans la stratigraphie soit très à la mode depuis 1977 (P. Vail et ses coauteurs), l'hypothèse des montées et des chutes du niveaux de la mer est une vieille hypothèse qui avait été invoquée depuis longtemps par:

(i) Benoit de Maillet (1748) ;

(ii) Lavoisier (1789) ;

(iii) Lemoine (1911) ;

(iv) Wegmann (1950) ;

(v) Burollet (1956), etc.

L'origine tectonique des variations du niveau marin a été considérée par Stille, ainsi qu'auparavant par Suess, comme due à des mouvements tectoniques épirogéniques, autrement dit, verticaux. Par contre, Argand pensait qu'on ne pouvait expliquer la géologie des Alpes que par des mouvements tectoniques horizontaux. C'est très certainement pour cette raison que Argand a toujours défendu l'hypothèse de la dérive des continents de Wegener., qui impliquait des mouvements et des forces tectoniques horizontales.

Malgré le fait que les idées avancées par Stille aient été bien acceptées par la communauté géologique, plusieurs géoscientistes, parmi lesquels Argand (1920), insistaient sur le fait que les discordances et transgressions, qui sont soulignées par des hiatus, servent, uniquement, pour dater certains épisodes du mouvement et rien de plus. Pour ces géoscientistes, les hiatus ne prouvent pas l'interruption du mouvement mais, uniquement, celle de la sédimentation. De surcroît, ils affirmaient que les déformations épisodiques, visibles à toutes les échelles géologiques, depuis l'échelle microscopique jusqu'à l'échelle de la carte géologique et des continents, sont, le plus souvent, associées à des déplacement tectoniques continus.

Ceci est devenu plus qu'évident après l'avènement d'un nouveau paradigme des Sciences de la Terre : La Tectonique des plaques. Cette nouvelle hypothèse géologique n'a pas grand chose à voir avec la vieille idée de la dérive des continents de Wegener. Wegener n'a jamais considéré que la lithosphère était composée par des plaques qui se déplaçaient les unes par rapport aux autres, suite à la génération et à la subduction de la croûte océanique. Il a tout simplement admis que les continents flottaient sur la croûte océanique et se déplaçaient comme les “icebergs” se déplacent sur la mer.

Sengör (1991), pour qui les déformations épisodiques sont associées à un mouvement continu (ex: prismes d'accrétion) considère que certaines déformations épisodiques prennent place dans des intervalles de temps beaucoup plus petits que la résolution de la biostratigraphie, et que de ce fait, des enregistrements discontinus peuvent, potentiellement, amener les géoscientistes non avertis à considérer plusieurs phases orogéniques, car plusieurs discordances peuvent se développer localement. Ceci est très important pour l'exploration pétrolière, principalement, dans l'approche de l'âge des pièges structuraux par rapport à l'âge de la migration.

Discordances

L'origine, la signification et l'extension spatiale et temporelle des discordances sont les questions les plus importantes qu'on doit se poser dans toutes les études tectoniques et stratigraphiques. En effet, avec le temps, et surtout après l'avènement de la stratigraphie séquentielle, le terme discordance est, le plus souvent, utilisé abusivement. Pour cette raison nous rappellerons rapidement ce que Goguel (1952) dit a ce sujet dans son Traité de Tectonique :

- Au point de vue structural, il est courant de distinguer les régions tabulaires des régions plissée ;

- Cette distinction dépend de l'âge des couches observées par rapport à l'âge de la déformation ;

- Les couches postérieures à la déformation reposent sur les couches antérieures à la déformation par une discordance renforcée par la tectonique (discordance angulaire) dont la mise en évidence est d'une importance fondamentale ;

- Grabau a distingué deux termes pour différencier deux types de discordances :

(i) “Nonconformity”

c'est-à-dire discordance angulaire et

(ii) “Disconformity”

c'est-à-dire une interruption dans la succession des sédiments, dans laquelle il n'y a pas de discordance angulaire apparente .

- Le terme “unconformity” indique un hiatus stratigraphique (lacune) et correspond à une transgression.

- A. d'Orbigny a utilisé les termes:

(i) Discordance réelle

pour les discordances angulaires et

(ii) Discordance d'isolement

pour le hiatus stratigraphique

- Malheureusement ces termes sont tombé dans l'oubli.

Plus récemment, a propos de l'importance et signification des discordances dans la stratigraphie séquentielle, Bally (1989) a signalé qu'elles peuvent avoir des genèses très différentes :

- Les discordances caractérisées par des biseaux sommitaux développés dans les blocs faillés basculés ;

- Les discordances eustatiques associées aux sédiments d'eau peu profonde et soulignées par des biseaux sommitaux et des chenaux ;

- Les discordances associées à l'érosion des talus continentaux par l'action des courants sous-marins ;

- Les discordances induites par les courants géostrophiques dans les sédiments d'eau profonde ;

- Les discordances associées aux bassins affamés avec des taux de sédimentation très faibles ;

- Les discordances associées à l'étirement de la lithosphère ;

- Les discordances associées à la rupture de la lithosphère ;

- Les discordances associées à l'initiation des avant fosses ;

- Les discordances associées à la relaxation des avant-fosses ;

- Les discordances associées à la croissance et soulèvement des anticlinaux ;

- Les discordances associées aux failles de croissance;

- Les discordances associées à l'halocinèse, qu'elle soit autochtone ou allochtone, etc..

Ces discordances requièrent non seulement une description, mais aussi une caractérisation et différenciation très poussés, car le plus souvent, elles sont prises dans un sens très général et interprétées, uniquement, en termes d'eustatisme comme proposé par P. Vail, ce qui n'est pas toujours le cas.

Dans les années 60, Wegmann dans ses cours à l'Université de Neuchâtel, sur les rapports entre l'eustatisme, la tectonique, la sédimentation et l'érosion, disait :

- Lorsque les mouvements de l'écorce terrestre sont envisagés sous l'angle du transfert de matière, cela conduit à peu près au bilan suivant :

Le comblement se fait par intermédiaire de sédiments détritiques qui proviennent de l'érosion du continent proche.

- L'hypothèse d'une compression du socle sous le bassin ne rassemble pas beaucoup d'adeptes. Par contre, il paraît plus plausible, et cela est confirmé par plusieurs manifestations de la tectonique profonde, que le matériel du soubassement du bassin migre latéralement au cours du temps sur les zones de soulèvement qui, de leur côté, fournissent à nouveau du détritisme participant à son comblement.

- Les systèmes de terrasses qu'on rencontre dans de nombreux pays (ces terrasses sont fréquentes dans les pays scandinaves et en Irian Jaya ) montrent que, souvent, les soulèvements se font par saccades.

- Les mouvements majeurs de l'écorce terrestre se trouvent donc associés à des transferts de matière importants de même tendance qui s'étalent sur de longues durées. Dans les zones orogéniques étroites, la composante verticale présente une grande amplitude, alors qu'elle est plus faible dans les vastes étendues des boucliers.

- En s'additionnant, les transferts saccadés conduisent à des mouvements d'un ordre de grandeur supérieur, et sont eux mêmes délimités de manière différente (fig. 8.1). Par exemple, à une période de subsidence peut succéder une période de calme sinon de soulèvement, durant laquelle le début de l'inversion et l'amplitude du mouvement peuvent changer d'un endroit à l'autre.

- Pour une région en soulèvement, l'inversion amènera une période de sédimentation qui débutera d'autant plus tôt que la région se trouve plus proche du niveau de base.

- La lacune de sédimentation, qui est parfois soulignée par une discordance, correspond à une entaille, plus ou moins, profonde de la partie sommitale de la courbe des mouvements de la croûte (fig. 8.1).

- Si l'on considère les parties sommitales de ces courbes (pour autant qu'elles correspondent à des discordances) comme étant l'expression de phases tectoniques, on introduit des mouvements (pour cet ordre de grandeur) et on sélectionne d'étroits faisceaux à l'intérieur de larges bandes. Si nous opérons avec une résolution temporelle assez fine, nous obtenons une image relativement homogène qui s'insère plus facilement dans un schéma, surtout lorsqu'un choix différent impliquerait une situation nouvelle.

- Les oscillations du niveau marin observées en un lieu donné peuvent être analysées en fonction de deux composantes:

- L'une correspond aux déformations du continent (par exemple un bombement).

- L'autre aux variations du niveau marin de toutes les mers et océans, qu'on appelle variations eustatiques.

- Dans certaines régions, les mouvements du continent et ceux du niveau marin évoluent dans le même sens alors qu'ailleurs, ils sont opposés (fig. 8.1). C'est surtout dans ce dernier contexte que la formation de discordances est la plus probable.

Figure 8.1- En A), la sédimentation et subsidence sont, plus au moins, en équilibre. En B), La sédimentation n'est pas assez forte pour compenser la subsidence. Dans le cercle, figure l'agrandissement de la courbe qui, bien que continue en apparence, est en fait composée d'une suite de mouvements saccadés (voir texte pour explications).

- Comme la plupart des discordances sont dues à une transgression marine, le moment de leur formation est situé à l'intérieur de l'amplitude des oscillations principales d'un intervalle temporel donné.

NB- Wegmann considère que la majorité des discordances sont produites par les transgressions marines, c'est-à-dire, qu'il ne fait aucune différence entre les discordances induites par la tectonique ou celles induites par l'eustatisme. Comme E. Argand, il s'intéresse surtout aux hiatus, autrement dit, aux biseaux d'aggradation de la série sus-jacente. Cette position est très différente de celle prise par Vail et ses coauteurs qui donnent une préférence toute particulière à l'érosion de l'intervalle sous-jacent.

- Environ un tiers des continents actuels est situé à l'intérieur de la marge des variations eustatiques du Quaternaire. Dans les régions situées au-dessous et au-dessus de cette marge d'oscillation, les déformations structurales ne sont, en règle générale, pas scellées. Elles ne peuvent pas être précisément situées chronologiquement dans l'enregistrement géologique.

- Les variations eustatiques se produisent partout simultanément. Elles pourraient constituer un marqueur temporel de premier ordre. Cependant, leur collecte s'accompagne encore de quelques difficultés. D'un point de vue purement théorique, les discordances qui reposent sur l'interférence de mouvements eustatiques et tectoniques sont synchrones.

- Par une méthode ingénieuse, il est possible de sélectionner dans le spectre continu des grands mouvements des bandes étroites où l'on choisit les segments de courbe qui par rapport aux fluctuations du niveau marin, ont tendance à subir au même moment des mouvements opposés:

(i) Dans la situation A de la fig. 8.1, la sédimentation et la subsidence sont plus ou moins en équilibre. La discordance D1, sur la partie descendante de la courbe n'appartient pas nécessairement à un ensemble synchrone.

NB- Cette courbe n'est pas la courbe eustatique, comme dans les modèles de Vail, mais la représentation graphique de la composante verticale des mouvements orogéniques, autrement dit la subsidence et le soulèvement

(ii) La discordance D2, comprise entre les extrêmes d'une oscillation (eustatique), appartient partout à un ensemble synchrone du fait que l'oscillation se trouve en tous les points simultanés.

NB- Les limites du niveau marin sont eustatiques, c'est-à-dire à l'échelle de la Terre entière (sens de Suess), et non relatives, comme considérées dans les modèles de P. Vail.

(iii) Dans la situation B, la sédimentation n'est pas assez forte pour compenser la subsidence. Quelques exemples de cas possibles sont représentés par les N1, N2, N3, N4, N5 et N6 qui sont des niveaux eustatiques successifs. D0 représente le sommet de la courbe de fluctuation du niveau du continent, sur lequel il ne se produit pas de discordance, du fait d'une élévation simultanée du niveau marin (N-N1).

(iv) Comme continent et niveau de la mer évoluent en sens opposé (N2-N3), la discordance D2 est étroitement limitée dans le temps. La discordance D1 se produit pendant que le continent s'élève alors que le niveau marin (N3-N4) s'abaisse. Lors de D0, le continent et le niveau de la mer (N5-N6) s'abaissent au même moment et leur situation relative reste ainsi plus au moins stationnaire.”

Récemment, sous l'influence de P. Vail et coauteurs (1988), la plupart des explorateurs ont eu tendance à considérer les discordances comme des surfaces d'érosion induites par des chutes relatives du niveau marin, autrement dit, des surfaces qui peuvent se développer soit pendant les montées, soit pendant les chutes eustatiques, soit durant les fluctuations positives ou négatives du niveau du continent.

Dans de telles conditions, leur mise en évidence est difficile, car elle n'est possible que lorsqu'elles sont fossilisées par des biseaux d'aggradation ou de progradation, ce qui est relativement rare. D'autre part l'ubiquité ne peut pas être rattachée à toutes les discordances.

Dans la stratigraphie et tout particulièrement dans la stratigraphie séquentielle, l'origine et la signification des discordances posent des problèmes très délicats en regard de la Tectonique des Plaques. Ainsi, dès le départ, on doit se demander si les discordances que limitent les différents cycles stratigraphiques sont des événements géologiques locaux ou si elles sont corrélables à l'échelle de la Terre entière. Dans cette dernière hypothèse, ont-elles une cause tectonique commune, ou traduisent elles uniquement un simple signal eustatique plus au moins renforcé par les régimes tectoniques?

Aujourd'hui, sous l'influence des travaux de P. Vail et al. (1977, 1989, 1991, etc.) beaucoup de géologues ont tendance à admettre que la corrélation des régimes tectoniques avec la hiérarchie des cycles stratigraphiques est difficile à défendre vu que la durée des régimes tectoniques est beaucoup plus longue que celle des cycles stratigraphiques, et que les variations des vitesses de déformation ne sont pas particulièrement confinées dans le temps géologique.

Discordances angulaires

Pour Vail , dans le cadre de la stratigraphie séquentielle, toutes les discordances sont associées a des érosions induites par les variations eustatiques du niveau de la mer. Cependant, il reconnaît qu'elles peuvent être localement renforcée par la tectonique d'ou la notion de discordance renforcée par la tectonique ("tectonically enhanced unconformity").

Fig. 8.2- Sur cette ligne sismique de l'onshore de Java, un explorateur doit-il considérer le raccourcissement des sédiments comme épisodique et récent, autrement dit probablement postérieur à la migration des hydrocarbures, ou doit-il considérer que le raccourcissement est continu et qu'il a démarré dès le début de subsidence thermique qui souligne la phase de "sag". Sans répondre à cette question un explorateur n'a pas le droit de proposer un forage à ses supérieurs hiérarchiques

A ce sujet, Bally (1989) remarque, que ce concept se fonde sur l'hypothèse que les vitesses des processus tectoniques (subsidence, plis, mouvements des failles) sont beaucoup plus lentes que celles des variations eustatiques du niveau de la mer, négligeant en outre des paramètres tels que la subsidence induite par le poids des sédiments ou des variations brutales de l'influx sédimentaire.

La conception de P. Vail, diffère beaucoup des hypothèses antérieures notamment de celle d'E. de Beaumont, d'E. Argand ou de celle de Wegmann, pour qui, la genèse principale des surfaces d' érosions est liée aux transgressions. Les surfaces de non dépôts ainsi que la géométrie interne des épisodes transgressifs sont aussi primordiales.

Le concept de discordance angulaire implique à priori un développement concomitant avec des structures d'échelles régionales et locales. Ainsi, les discordances peuvent être des marqueurs temps très sensibles qui enregistrent la progression des déformations structurales. Ceci est particulièrement vrai dans les bassins sédimentaires périsuturaux associés aux formations des mégasutures. Cependant, ceci est très malheureusement oublié par beaucoup d'explorateurs (fig. 8.2).

En fait, l'exemple illustré sur la fig. 8.2, souligne que la mise en évidence des enregistrements des épisodes tectoniques saccadés, permet aux explorateurs d'appréhender la progression des déformations structurales continues (fig. 8.3), et de ce fait, de définir l'âge des pièges structuraux qui ont le plus de chances de piéger des hydrocarbures (l'âge de la migration devant être connue).

L'hypothèse du renforcement par la tectonique des discordances peut être testée très facilement. Tout ce dont on a besoin est une bonne analyse stratigraphique et biostratigraphique des données d'observation pour démontrer si, oui, ou non, la subsidence et/ou le régime tectonique continuent après la discordance.

Figure 8.3- Sur cette interprétation, les registres stratigraphiques soulignent des épisodes tectoniques saccadés qui étant à la limite de la résolution de la biostratigraphie peuvent amèner les explorateurs non-avertis à considérer le raccourcissement des sédiments comme étant polyphasé à la suite des différents régimes tectoniques. Une telle interprétation aurait inévitablement des conséquences pour la datation des pièges potentiels et leur âge relatif par rapport à la migration des hydrocarbures.

Sur la fig.8.3, le type de cycles stratigraphiques considérés dans l'interprétation est difficile à déterminer. L'absence de calibration temporelle interdit toute hiérarchie, autrement dit l'individualisation des séquences et des sous-cycles d'empiétement continental (Duval et al. 1993).

Néanmoins, les rapports géométriques entre les lignes chronostratigraphiques (marqueurs sismiques) permettent facilement de mettre en évidence les principales discordances associées à des chutes relatives du niveau marin, comme admises par P. Vail. On constate que le niveau moyen du continent a monté en continu dès la fin de la phase d'étirement (subsidence différentielle) et que les discordances (soulignées en rouge sur l'interprétation) sont étroitement limitées dans le temps. Elle se forment uniquement quand le niveau eustatique chute.

Le mouvement de soulèvement du continent se fait en continu dès la fin de la phase d'étirement (demi-graben), depuis il y a environ 30 millions d'années et, de ce fait, les sédiments déposés pendant la phase de "sag" (subsidence thermique) sont raccourcis par des transferts de matière saccadés qui en s'additionnant conduisent à un mouvement d'un ordre de grandeur supérieur.

Par conséquent, dans un tel environnement, si le sous-système pétrolier générateur est présent, autrement dit si le bassin est pétrolier, et en l'absence d'un hydrodynamisme important, une exploration scientifique réussie passera avant tout, par:

1) La datation de la migration des hydrocarbures ;

2) L'analyse séquentielle détaillée des données sismiques permettant d'exclure les réservoirs potentiels dont la structuration, autrement dit le piège, est postérieur à l'âge de la migration et,

3) la localisation de la couverture régionale ou induite, car sans couverture il n'y a pas de fermeture (cartographie des épisodes transgressifs).

NB - Nous partons du principe qu'auparavant l'explorateur a déterminé:

(i) Les zones à migration convergente au-dessous de la discordance (en générale angulaire) entre la phase d'étirement et thermale, et

(ii) Les voies de migration secondaire, c'est-à-dire dit les chemins empruntés par les hydrocarbures (zones de failles et réservoirs) pour aller depuis les roches mères vers les pièges potentiels. Si des dismigrations sont possibles à la suite d'inversions tectoniques les chemins de migration doivent également être déterminés.

Si l'on considère, les limites des séquences et les discordances associées aux bassins d'avant-fosse, le problème se complique encore plus. En effet, au delà des discordances qui peuvent avoir une origine eustatique très marquée, on doit considérer au moins deux autres discordances principales dont l'origine tectonique est prépondérante:

a) La discordance basale associée à une érosion sous faible profondeur et induite par la migration de l'anomalie périphérique de la plaque descendante (subduction de type A) ;

b) La deuxième discordance est plus en aval et sépare la série stratigraphique de la marge divergente des sédiments de base du bassin d'avant-fosse.

Dans les études stratigraphiques, il est en effet plus important d'essayer de définir :

a) la hiérarchie des cycles stratigraphiques ,

b) les limites des cycles stratigraphiques et

c) l'origine des discordances,

que de codifier et d'étiqueter les séquences.

La définition de ces cycles, leurs limites et leurs origines sont fondamentales pour mieux appréhender les systèmes pétroliers, qui sont la base de notre exploration. Pour cela, il faut dès le départ, clairement indiquer, les hypothèses à priori et les modèles utilisés pour interpréter les données. Dans le cas contraire, toute réfutation devient impossible. Aucune nouvelle idée ne sera possible et on verra d'autres explorateurs découvrir des réserves là, où pour d'autres elles étaient impossibles (terme à éviter en exploration).

En conclusion:

Il est préférable d'étudier l'origine d'une discordance plutôt dans un contexte régional que dans un contexte local. Comme pour la genèse des cycles stratigraphiques (structuraux ou stratigraphiques), pour appréhender le renforcement des discordances par les événements tectoniques, un explorateur doit déterminer:

(i) Si les variations du niveau marin (variations eustatiques) sont synchrones avec certains événements tectoniques. Dans ces conditions, les discordances associées deviennent localement plus exagérées par un renforcement structural avec des biseaux sommitaux de troncature bien marqués.

(ii) Si les discordances sont limitées à des structures locales ou régionales, ou si elles sont plus ubiquistes.

(iii) Si la résolution structuro-cinématique depuis l'échelle des plaques tectoniques jusqu'à l'échelle locale a suffisamment de confinement pour être associée à la spécificité du cycle stratigraphique considéré.

NB- Dès le départ, ceci pose le problème de la hiérarchie des cycles stratigraphiques. La résolution déformation / cinématique est souvent facile si on considère un cycle transgression-régression, mais très difficile, voire impossible, dans le cas d'une séquence (cycle eustatique de 3e ordre)

Évidement, ceci pose la question classique de l'analyse séquentielle:

Est ce que les limites de séquence ont une cause tectonique commune, ou est-ce qu'elles traduisent, uniquement un simple signal eustatique qui est plus au moins renforcé par les différents régimes tectoniques?

Avant tout, il y a une grande impasse évidente, parce qu'il n'y a pas d'accord concernant les limites des cycles stratigraphiques, en particulier au niveaux des séquences, et leurs définitions spécifiques. Les limites proposés par P. Vail et ses coauteurs sont en total désaccord avec celles proposés par Galloway ou par Embry. Pour les premiers (stratigraphie séquentielle), les limites sont les discordances, pour le second, Galloway (stratigraphie génétique), les limites sont les surfaces basales de progradation et pour le troisième, les limites sont les surfaces de transgression, celles que savent reconnaître les stratigraphes depuis le 18ème siècle. De surcroît, il n'y a pas non plus accord sur les échelles temps.

Dans ce cadre, pour éviter des malentendus, dont les conséquences peuvent être désastreuses dans l'exploration pétrolière, il est indispensable que les explorateurs soient rigoureux dans la terminologie et dans les concepts utilisés. Prenons quelques exemples:

Aggradation

Le terme aggradation est utilisé en géologie, et en sismique, uniquement pour souligner la composante verticale d'une succession continue de biseaux d'aggradation (aggradation positive ou négative).

Ainsi, pour tirer des conclusions géologiques à partir de l'aggradation il faut, auparavant, être capable de localiser les biseaux d'aggradation (“coastal onlap” des auteurs anglo-saxons). En réalité, quand on dit qu'un intervalle sismique de 100 ms correspond à une aggradation (temps) de 100 ms, ceci n'est vrai que si l'espace disponible, autrement dit l'accommodation a toujours augmenté. En d'autres termes, on peut avoir le même résultat, 100 ms d'épaisseur, en additionnant des aggradations saccadées, les unes positives (montée relative du niveau marin), les autres négatives (chute relative du niveau marin). Cependant, bien que le résultat quantitatif final soit le même, les conclusions géologiques et pétrolières sont très différentes.

Progradation

Le terme progradation exprime (en français et en anglais) le déplacement vers le large ou vers la mer des dépôts littoraux, autrement dit le déplacement vers la mer de la rupture de la pente côtière.

Bien que pendant certaines périodes de l'histoire d'une séquence de dépôt (cycle eustatique de 3ème ordre) la rupture de la pente côtière coïncide avec la rupture de la pente continentale, dans d'autres périodes, en particulier pendant les épisodes transgressifs et le début des périodes régressives, (quand le bassin a une plate-forme continentale), les ruptures ne se superposent pas.

Ainsi, il faut être capable de toujours mettre en évidence la rupture de pente côtière si l'on ne veut pas courir le risque de prendre pour une progradatation continue ce qui est en fait le résultat d'un va et vient, globalement régressif, de la rupture de la pente côtière. Comme dans le cas de l'aggradation, grossièrement, le résultat final est à peu près le même, mais les conclusions géologiques, en particulier les lithologies des systèmes de dépôts et la prédiction des réservoirs potentiels sont différentes.

Empiétement

Quand les termes aggradation et progradation sont utilisés dans leur vrai sens étymologique, il ne faut pas oublier l'empiétement, autrement dit la composante horizontale des biseaux d'aggradation, avant d'avancer des prédictions lithologiques.

En fait, pour un même rapport aggradatation / progradation, par exemple de 1ms/1000m, si l'empiétement est de 3 km on peut probablement trouver des sédiments sableux près la rupture de pente continentale. Par contre, si l'empiétement est de 50 kilomètres, très probablement on trouvera des argiles. De surcroît, il n'est jamais facile de différencier si l'empiétement est associé à des dépôts fluviatiles ou margino-littoraux.

Biseaux d'aggradation

Les biseaux d'aggradation soulignent une discordance, mais il ne faut pas considérer tous les biseaux comme des biseaux d'aggradation. Il ne faut jamais perdre la perspective d'ensemble, autrement dit il faut toujours tenir compte des ordres de grandeur. Ainsi, les biseaux visibles à l'intérieur des chenaux distributaires (profonds ou non) ou des méandres, ne peuvent pas corroborer une discordance potentielle. Ce ne sont pas des biseaux d'aggradation vu qu'il ne sont pas nécessairement associés à une montée relative du niveau marin.

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Dernière modification : Juin, 2014