Notons qu'au fil du temps, une certaine région peut être constituée par plusieurs types de bassins sédimentaires. Ainsi, par exemple, dans l'offshore de l'Angola, comme illustré dans la figure précèdent, par exemple, un puits d'exploration pétrolière peut rencontrer du bas vers le haut: (i) Un socle constitué par des roches granitiques d'âge Précambrien ; (ii) Un substratum pétrolier formé par une Ceinture Plissée d'âge Paléozoïque (Supercontinent Pangée) ; (iii) Des bassins de type-rift d'âge Jurassique - Crétacé Initial et une Marge divergente de type-Atlantique d'âge Méso-Cénozoïque. Ceci veut dire que dans cette carte des bassins sédimentaires, proposée par A. Bally et Snelson, et basée, principalement, sur le type de subsidence, les marges divergentes de type-Atlantique (colorées en jaune), formées en association avec une subsidence thermique, cachent des bassins plus anciens, en particulier, des bassins de type-rift (subsidence différentielle) qui ont allongé la lithosphère du supercontinent Pangée. Notons également que la croûte volcanique (quelle soit subaérienne ou océanique) est en blanc et que les zones de subduction sont figurées par des traits noirs avec des triangles noires (nous n'avons pas différentier les zones de subduction en type A et type B.

Avant-propos :

Le but de ces notes est de donner aux jeunes géoscientistes, en particulier, à ceux travaillant dans les compagnies pétrolières, le contexte géologico-pétrolier des principaux bassins sédimentaires afin qu'ils soient plus armés aux travaux d'évaluation pétrolière qu'ils auront à faire durant toute leur carrière professionnelle.
La classification des bassins sédimentaires adoptée ici, comme d'ailleurs toutes les autres classifications, ne permet pas de prédire le volume des hydrocarbures générés et préservés dans les différentes familles de bassins sédimentaires. Par contre, elle permet et, dans une certaine mesure, elle oblige les explorateurs à faire des observations géologiques disciplinées par une théorie - La Tectonique des Plaques -, qui est la base de tout progrès dans l'exploration pétrolière. En effet, la classification ici suivie permet une meilleure évaluation des différents paramètres pétroliers, c'est-à-dire des Systèmes Pétroliers potentiels et, aussi de mettre rapidement en évidence le, ou les paramètres clefs, autrement dit, ceux qui, à eux seuls, peuvent tuer, au point de vue pétrolier, un bassin ou un prospect.
Nous avons essayé, pour chaque type de bassin considéré de caractériser, en termes très régionaux, les différents paramètres pétroliers : (i) Roche Mère (bassin pétrolier) ; (ii) Réservoir (présence et caractéristiques pétrophysiques) ; (iii) Piège ; (iv) Migration ; (v) Rétention, en insistant sur ceux qui nous semblent les plus importants. Ainsi, par exemple, en admettant l'existence de roches mères (par définition, la matière organique d'une roche mère doit être mature) dans les bassins sédimentaires associés aux mégasutures, le paramètre fondamental est la migration (âge et type). En fait, ces bassins étant localisés dans un domaine tectonique globalement compressif sont, tôt ou tard, raccourcis. Les structures préexistantes (d'extension, i.e. d'allongement ou de compression, autrement dit, de raccourcissement) seront réactivées. Par conséquent, pour ce type de bassin, la connaissance de l'âge de la réactivation tectonique par rapport à l'âge de la migration des hydrocarbures est le paramètre pétrolier essentiel.
Pour bien évaluer le potentiel pétrolier rémanant des bassins sédimentaires, il nous a semblé indispensable de les classer d'après leur genèse. Ceci permet l'établissement de comparaisons qualitatives et le choix des stratégies d'exploration. La classification que nous avons adoptée est celle proposée par A. Bally et S. Snelson (1980). Cependant, elle a été simplifiée et changée, légèrement, par rapport à la classification originelle. Nous avons donné plus d'importance à l'évolution temporelle des bassins. Ainsi, dans l'offshore Ouest de l'Afrique, par exemple, pour des raisons pétrolières, nous avons individualisé dans le temps et dans l'espace les différents bassins qui composent cet offshore, autrement dit, le substratum (ceinture plissée précambienne), les bassins de type Rift (Jurassique Tardif - Crétacé Initial) et la marge divergente (Crétacé - Actuel). Des divisions temporelles similaires ont été faites pour tous les autres types de bassins.

Remarquez que ces notes ont été écrites d'une façon très éclectique. Nous avons essayé de donner toutes les références bibliographiques. Nous nous excusons d'avance ce certaines références nous ont échappé, d'ailleurs nôtre apport personnel est minimum). La majorité des illustrations est empruntée ou modifiée de publications diverses ou de rapports internes de plusieurs compagnies. Beaucoup de lignes sismiques (vierges) ont été empruntées à des mémorandums et/ou des rapports que nous avons écrit pour Total SA, où nous avons travailler jusqu'à nôtre retraite. D'autres lignes ont été tirées de publications, ou cédées par des compagnies pétrolières que nous remercions pour nous avoir donné l'autorisation de les utiliser. Nous sommes le seul responsable des tentatives d'interprétation géologiques des lignes sismiques ici proposées, autrement dit, en aucun cas les sociétés, qui ont mis a nôtre dispositions les lignes vierges, sont responsables de l'interprétation proposée.

Comme la classification de A. Bally et S. Snelson est basée dans la Tectonique des Plaques, les principaux concepts de cette théorie sont traités dans les premiers chapitres. Cependant, nous commenceront pour placer la Terre, dans son contexte universel. Nous soulignerons l'énorme restriction temporelle imposée à l'importance de l'homme par la Géologie, autrement dit la découverte du Temps géologique ou Temps profond.

Chapitre I

L'Univers - La Terre - Le Temps - La Géologie

Le concept du temps géologique est bien illustré dans cette figure en comparant l'âge du Big Bang (il y a environ 15G d'années, i.e., 15^9 années) avec l'âge de l'humanité, qui est, pratiquement, actuel. Les premières galaxies se sont formées environ 100 M d'années après le Big Bang, tandis que le Soleil se serait formé il y a environ 5 Ga, autrement dit, environ 10 G années après le Big Bang. Comme nous le verrons plus tard, le temps géologique ne peut qu'être appréhendé que par des métaphores. Actuellement, tous les gamins savent que les dinosaures ont disparus il y a environ 60 millions d'années, mais il n'ont aucune idée de ce que ça représente. Pour bien comprendre le temps géologique commencer pour saisir la différence, en termes d'épaisseur, entre une dette de million de dollars (1.10^6) et une dette d'un milliard de dollars (1.10^9), assumant que l'épaisseur de billet d'un dollar este 0.1 millimètre.

Introduction

Avant de décrire la genèse de l'Univers et de la Terre admise par les géoscientistes modernes, il est intéressant de passer en revue les différentes interprétations de la Création, ainsi que les avancées scientifiques qui ont été proposées depuis l'Antiquité. Récemment, ce sujet a été traité d'une façon admirable, par Isacc Asimov dans son livre "The Beginners" (Walker and Company Edition, published 1987, Berkeley Edition / May 1989), que nous vous conseillons vivement de lire.

1) Les Babyloniens (2325-587 av. J.-C.)

Les Babyloniens et leurs prédécesseurs expliquaient l'origine de la Terre comme la conversion d'une mer illimitée et chaotique (Chaos) en un ensemble organisé (Ordre, Cosmos), qui caractérise l'Univers actuellement. Les Babyloniens, qui ont prospéré sous la dynastie Amorrite d'Hammourabi (6e roi de la dynastie, v. 1953-1913 av. J.-C.), pensaient qu'au départ il y avait la déesse Tiamat, qui représentait une mer salée démesurée et totalement désorganisée, ou Chaos. La matière apparemment existait déjà, mais ce qui n'existait pas était l'ordre et l'organisation, qui devraient êtres créés. À partir du Chaos, sont nées d'une manière ou d'une autre des Dieux et Déesses, qui représentaient les principes d'organisation. Ainsi, Marduk, qui était reconnu comme le Dieu roi, a imposé l'Ordre au Chaos à partir du corps monstrueux de Tiamat pour établir le Cosmos (l'opposé du Chaos, autrement dit de la matière organisée plutôt que de la matière désorganisée). Marduk aurait coupé le corps de Tiamat. Une partie pour faire le Ciel et l'autre pour faire la Terre. Les roches auraient été faites à partir des os de Tiamat, tandis que les océans auraient été faits à partir de son sang.

Il est intéressant de constater que ce type de création fait par des Dieux surnaturels, qui transformaient le Chaos en un Univers organisé, se retrouve dans plusieurs mythologies anciennes. Comme nous le verrons plus tard, les savants modernes sont forcés d'imaginer des méthodes par lesquelles une Terre ordonnée est créée à partir d'un Chaos originel. Cependant, et contrairement aux Babyloniens, les savants modernes ne font pas appel à des Dieux ou Déesses, qui travaillaient par prévoyance et volonté, mais aux inéluctables lois de la nature.

2) Les Egyptiens Anciens (3200-30 av. J.-C.)

Les théologiens thébains (de Thèbes en Égypte) qui rédigèrent le "Livre des Morts" ont considéré qu'au commencement était Nou, l'océan primordial. Dans les profondeurs infinies du Nou, les germes des choses de toute éternité flottaient confondus. Le Dieu Amon s'engendra lui-même au sein de cette masse liquide encore sans forme et sans usage. Amon était un être parfait doué d'une science et d'une intelligence certaine : l'unique, celui qui existe par essence, le seul, qui vive en substance, le seul générateur dans le ciel et sur la Terre qui ne soit pas engendré.

Avant cette conception unitaire, les égyptiens comptaient neuf dieux créateurs correspondant aux principaux clans de l'ancienne Égypte. Ces dieux s'engendraient les uns les autres et construisaient chacun une partie de l'Univers.

3) Les Hébreux (2126-70 apr. J.-C.)

Les Juifs, qui ont été en captivité à Babylone pendant le VIe siècle av. J.-C. ont pris aux Babyloniens les contes de la création, mais ils les ont adaptés à leurs lois. Ils n'admettaient pas des Dieux anthropomorphiques (au moins à cette époque). Dieu n'est pas sorti du Chaos, comme chez les Babyloniens, mais il existait de tout temps. Il était éternel, autrement dit, il n'avait ni commencement ni fin.

Le livre de la Genèse (le premier livre du Pentateuque et de la Bible) commence:

"Au début Dieu a créé le Ciel et la Terre"(Genèse 1.1)

Par la suite il donne les détails:

"Ce qu'Il fit d'abord n'était que comme une matière informe et un vide ténébreux, sans l'ordre et la beauté qui y parurent ensuite" (Genèse 1.)

Ceci dénote un Chaos dans lequel toutes les substances qui forment l'Univers existaient déjà, mais dans un désordre épouvantable. L'esprit de Dieu et sa volonté ont imposé l'ordre par une série de séparations:

- Au premier jour, Il a séparé la lumière de l'obscurité, créant le jour et la nuit.

- Au second jour, Il créa le ciel pour séparer l'eau du bas (l'océan) de l'eau du haut (la pluie).

- Au troisième jour, Il a séparé l'eau de la terre.

Il a créé les continents et la mer comme nous les connaissons actuellement. Au point de vue biblique, les continents et les océans existent avec la forme et la distribution actuelle depuis le troisième jour de la création. Les érudits Juifs ont proposé que la création a eu lieu en 3760 av. J.C.. C'est à partir de cette date que le calendrier juif compte les années, autrement dit, ces notes sur les Bassins Sédimentaires et Systèmes Pétroliers ont commencé a être écrites dans l'année 5762 de l'Ère du Monde Juif (Jewish Mundane Era).

4) Les Hindous (1500-1000 av. J.-C.)

D'après F. Lot (1950), le Brahmanisme (religion brahmanique ou encore appelée hindouisme ancien, qui correspond à la deuxième des trois phases historiques distinguées habituellement dans le développement de la religion des hindous, se situe après le védisme, environ 1500-500 avant notre ère, et occupe une période comprise entre -600 et 500 de l'ère courante) a deux cosmogonies majeurs. L'une se trouve dans le Rig-Veda, qui a été composé entre 1500 et 1000 avant notre ère (écrite à la même époque que la Pentateuque). L'autre, qui sert d'introduction au Mana-Dharma-Castra, ou code de Manou, est sur bien des points comparable à la Genèse. Dans le livre des lois de Manou, Manou, lui même, évoque ainsi la création:

"Tout ceci était ténébreux, imperceptible, incompréhensible, et comme en sommeil. Alors, lui même invisible éternel, porté sur le vide songeait replié sur lui-même. Il n'y avait point, ni la tente tissée du ciel au-dessus de nos têtes. Or, il voulut déployer sa splendeur et voir les choses. Ses yeux s'ouvrirent et les ténèbres se dissipèrent. Lui, l'esprit suprême, suscita d'abord les eaux où il déposa une semence. Celle-ci produisit un oeuf brillant comme l'or ou comme l'astre aux mille rayons et dans cet oeuf, il naquit lui-même sous la forme de Brahama, le grand maître de tous les mondes et de tous les êtres. Puis il demeura inactif une année"

D'autres textes hindous nous font apparaître l'univers sous l'aspect d'un arbre. Selon Pouranas, la Terre, représentée comme un disque plat, se trouve en équilibre sur la tête de Cechnag, serpent divin enroulé sur le dos de la grande tortue ; ou bien, ce sont huit éléphants, les Diggadjs, qui soutiennent la Terre. Au milieu de celle-ci, s'élève une montagne colossale, le Mérou, dont la hauteur est de trois-cent-mille lieues, qui s'appuie sur d'autres éléphants. Au sommet, règnent le ciel d'Indra et autres divinités. Le Mérou est ceint de sept fleuves, qui l'isolent de l'habitat des mortels.

5) Les Perses (500-300 av. J.-C.)

L'ancienne religion persane, le Mazéisme, a pour doctrine fondamentale le dualisme, qui divise en deux camps adverses le monde visible aussi bien que le monde invisible. Dans la cosmogonie persane, après la création du monde spirituel, a lieu la création du monde matériel. Ormuzd l'accomplit en six époques d'inégale durée qui ont reçu le nom de Gahambars.

La création du ciel occupe la première époque, laquelle est de quarante cinq jours. Les époques suivantes, consacrées, successivement, à la création de l'eau, de la Terre, des arbres, des animaux et enfin de l'Homme, sont, respectivement, de soixante, soixante quinze, trente, quatre vingt et soixante quinze jours.

6) Les Grecs

L'Illiade:

Les plus anciens indices qui nous restent des premières conceptions cosmologiques de la Grèce se trouvent dans deux passages de l'Illiade (épopée de la Grèce antique attribuée à l'aède Homère, qui composée de quinze mille trois cent trente-sept hexamètres dactyliques et, depuis l'époque hellénistique, divisée en vingt-quatre chants). Il y est dit que tous les dieux doivent leur naissance à Océan et qu'Océan a pour épouse Téthys. Océan est donc le père générateur et Téthys est la mère qui enfante et qui nourrit.

Hésiode :

Au VIIIème / IXème siècle avant notre ère, Hésiode (poète grec né à Ascra, en Béotie) a proposé une cosmogonie édifiée à partir d'une analyse des éléments constitutifs de l'Univers. Selon Hésiode, avant tout, fut le Chaos, puis Gaia (Goea) au large sein - La Terre - éternelle et inébranlable soutien de toute choses et puis Eros "le plus beau des immortels".

Chaos, Gaia, Eros. Voila les trois éléments primordiaux. Le Chaos, n'a pas ici la signification qui lui sera plus tard attribuée. Il n'est point la matière à l'état inerte et confus. Le Chaos, c'est l'espace, l'espace béant, illimité, ouvert, pour tout contenir et qui a tout précédé. Du Chaos sortent d'abord l'Erèbe et la Nuit, c'est-à-dire, l'obscurité primordiale divisée en deux principes. Un principe mâle, l'Erèbe, et un principe féminin, la Nuit. Ces deux principes, en s'unissant, donnent le jour a Aether et à Héméra, autrement dit, la lumière des régions supérieures et à celle de l'atmosphère terrestre. La lumière faite, la création va se développer, non, comme dans le Genèse hébraïque, par la volonté d'un Dieu suprême mais sous l'influence d'Eros. Gaia, la Terre, engendre Ouranos, le ciel. Après, elle enfante les montagnes, Pontos (l'abîme des mers). Le mariage de Gaia avec Ouranos sera la source de la vie universelle.

A un certain moment Oranous arrête la création en plongeant dans les entrailles de Gaia tous ses enfants. Gaia révoltée, arme contre Ouranos son fils Chronos (le Temps), qui le mutile et le dépouille de toute virilité. Ces divins débris tombent dans la mer. Autour d'eux s'amasse une blanche écume d'où naît Aphrodite. La condamnation d'Ouranos à l'impuissance et l'avènement de son fils Chronos marquent une phase nouvelle dans le développement de la création. L'Univers traverse une nouvelle évolution. L'histoire de Chronos reproduit, en effet, celle d'Ouranos. A son tour, Chronos s'attaque à sa descendance. Un seul de ses enfants parvient à lui échapper, Zeus, qui réussira à enchaîner son père et le forcera à rendre à la lumière les dieux qu'il a engloutis.

Vainement, le Temps dévore et, consume tout. Les choses qui ont été, seront encore. La vie de la nature n'aura point d'interruption et sa fécondité ne sera pas inutile.

Démocrite (460 / 370 av. J.-C.) :

Démocrite (philosophe grec, né à Abdère, vers 460 av. J.-C., qui paraît avoir connu de bonne heure les doctrines des philosophes grecs, notamment les théories des pythagoriciens et les conceptions métaphysiques de Parménide et de Zénon d'Elée) s'est inspiré de son maître Leucippe dans son explication atomique du monde. Pour lui, les atomes, ultimes particules de la matière, particules insécables, tombent éternellement et pêle-mêle à travers l'espace vide. Au cours de leur chute, ils forment d'innombrables tourbillons. Ils s'accrochent parfois les uns aux autres car ils sont crochus.

Notre monde provient d'un tourbillon particulier qui a, progressivement, augmenté d'importance. Les atomes les plus gros sont allés vers le centre, où ils ont constitué la Terre. Les atomes, forment la voûte du ciel, où le feu se mêle à l'air, embrasant les étoiles. Le Soleil et la Lune ont une origine tourbillonnaire analogue à la Terre. Démocrite prévoit que notre monde n'aura d'ailleurs pas une durée indéfinie. Il périra et ses atomes dispersés serviront à reconstituer d'autres mondes dans l'espace.

Epicure (341 / 270 av. J.-C.) :

Alors que Démocrite supposait les atomes en mouvement dans toutes les directions et à des vitesses variables selon leur taille, Epicure (un philosophe grec, qui a fondé, en -306, l'épicurisme, l'une des plus importantes écoles philosophiques de l'Antiquité) les conçoit tombant tous uniformément avec la même vitesse, en suivant des droites parallèles, à la façon d'une pluie régulière.

Dans ces cosmogonies il n'y a pas de création initiale. Les mondes naissent et disparaissent indéfiniment dans un espace infini. L'origine des mondes, leur évolution et leur fin sont expliqués sans l'intervention d'aucune divinité. Démocrite et Epicure ne supprimaient pourtant pas complètement les dieux. Ceux-ci vivaient plus longtemps que les hommes, mais n'étaient pas immortels.

Platon (427-347 av. J.-C.)

Platon, dans le Timée, a daté la disparition de l'Atlantide (face au détroit que vous autres Grecs appelez "les colonnes d'Héraklès" s'étendait une île plus vaste que la Libye du Nord et l'Asie réunies ; de là, il était possible aux voyageurs de gagner les autres îles, puis de ces îles la totalité du continent qui, de l'autre côté, entoure l'océan. Là-bas s'étend un océan véritable, et la terre qui l'entoure peut être appelée continent au plein sens du terme) vers 9400 av. J.-C., autrement dit, pratiquement le double de l'âge de la création proposée par les érudits Juifs. C'est la première grande disparité sur l'âge de la création. Aujourd'hui, la plupart des philosophes considèrent que le récit de Platon (disparition de l'Atlantide) correspond probablement à l'explosion du volcan Thera dans la mer Egée. Les géoscientistes modernes considèrent que cette explosion a eu lieu vers 1500 av. J.-C.

7) de Vinci, Leonard (1452-1519)

Ce peintre, sculpteur, architecte et savant italien, qui est né près de Florence, a été l'un des premiers savants à penser que certains dogmes des traditionalistes, en particulier la non-évolution de la Terre et des êtres vivants, n'était, certainement, pas vrai. Il a émis l'idée que les fossiles étaient des restes d'objets qui ont été une fois des organismes vivants. A l'époque de Leonard de Vinci, l'idée que des organismes vivants puissent disparaître par extinction était contre la perfection de la création divine, donc une hérésie.

8) Copernic, Nicolas (1473-1543)

Copernic est né en Pologne, à Torun. En 1543, il a publié un traité intitulé "De revolutionibus orbium celestium libri VI" dans lequel il fit l'hypothèse du mouvement de la Terre, et des autres astres, autour du Soleil. Déniant à la Terre tout rôle privilégié dans l'Univers, il a soulevé de nombreuses critiques, notamment dans l'Église, car son hypothèse ne supportait pas la création divine.

9) Palissy, Bernard (1510-1589)

Ce potier émailleur français, né à Agen, a été un des pionniers de la géologie. Vers 1570, il a avancé que la nature changeait même quand l'homme la regardait: "la pluie, le vent et les vagues détruisent les montagnes et érodent le littoral". De surcroît, il maintenait que l'effet des agents atmosphériques était suffisant pour provoquer des grands changements sans aucun besoin de faire appel au Déluge. Il pensait, également, que les fossiles étaient des restes d'anciens êtres vivants. Le livre qui a rendu célèbre Palissy:

"Discours Admirables de la Nature des Eaux et Fontaines, tant naturelles qu'artificielles, des métaux, des sels & salines, des pierres, des terres, du feu & des émaux"

est écrit dans la forme de dialogue entre deux personnages: "Pratique" et "Théorie". Dans ce livre, la Pratique instruit toujours la Théorie (influence de la pensée inductive de F. Bacon).

Palissy a été accusé d'hérésie. Condamné, il est mort sur le bûcher en 1589. En réalité, au XVIe siècle, soutenir que la Terre changeait, et que les d'êtres vivants pouvaient évoluer ou disparaître par extinction, était une hérésie. Tout cela suggérait que la création divine était imparfaite.

10) Bruno, Giordano (1548-1600)

Ce dominicain italien, né à Nola dans le royaume de Naples, a été un des premiers à rompre avec la conception aristotélicienne d'un univers clos. Il a défendu la cause copernicienne. Il prônait l'existence d'un univers finit et d'une matière constituée par des atomes. Il soutenait que la Terre tournait autour du Soleil et que les étoiles étaient d'autres soleils autour desquels tournaient d'autres mondes. En 1600, sur l'ordre du Saint-Office, il a été brûlé vif à Rome pour hérésie.

11) Bacon, Francis (1561-1626)

F. Bacon, qui a été chancelier d'Angleterre sous Jacques I, est, principalement, connu par ces travaux philosophiques. Dans son ouvrage "Novum Organum" (1620), il a admis que les portulans (considérés pour les royaumes du Portugal et d'Espagne comme des secrets d'État, notamment à partir du traité de Tordesillas, établi en 1494, mais qui disparaissent au XVIIIe siècle du développement d'innovations techniques permettant l'élaboration de cartes plus détaillées et surtout plus précises) et les cartographies des côtes de l'Amérique du Sud et de l'Afrique, faites par les explorateurs portugais et espagnols, montraient qu'elles s'opposaient presque exactement et qu'elles se marieraient parfaitement si on pouvait les rapprocher. De surcroît, il a maintenu qu'un tel fait ne pouvait pas être une pure coïncidence, sous-entendu que l'Amérique du Sud et l'Afrique ont été une fois ensemble et qu'elles ont été éloignées d'une manière ou d'une autre. Dès que Bacon a avancé une telle idée, les traditionalistes ont suggéré que si en réalité l'Amérique du Sud et l'Afrique ont été une fois collées ensemble, elles pourraient très facilement avoir été déchirées et éloignées par la puissance de la force chaotique du Déluge. Certains auteurs lui attribuent, sans le prouver, la paternité (en tout ou en partie) des drames de Shakespeare (C. Allègre, 2005).

12) Galilei, Galileo (1564-1642)

Né à Pise, ce brillant physicien, astronome et écrivain italien s'est rallié au système du monde proposé par Copernic. En 1633, il a dû se rétracter devant l'Inquisition. Cependant, en réalité et jusqu'à sa mort, à Arcetri, il a toujours crû que la Terre n'était pas le centre de l'Univers et qu'elle tournait autour du Soleil.

13) Ussher, James (1581-1656)

Au XVIIe siècle, l'archevêque anglican, James Ussher a calculé que:

a) L'ascension de Saül a eu lieu en 1095 av. J.-C.

b) La conquête de Canaan en 1451-1425 av. J.-C.

c) L'exode vers l'Égypte en 1491 av. J.-C.

d) L'arrivée d'Abraham à Canaan en 2126 av. J.-C.

e) Le déluge Biblique en 2349 av. J.-C., pendant l'empire de Sargon d'Akkad et

f) La création a eu lieu en 4004 av. J.-C.

Jusqu'à XIX siècle, la date de 4004 av. J.-C. a été prise par l'ensemble des Chrétiens comme la date de la création de l'Univers. Ainsi, ces notes ont commencé a écrites écrites dans l'année 6005 de l'Ère Chrétienne ("Christian Mundane Era"). Comme cette date a été largement acceptée, elle était un énorme argument en faveur du non-changement de la Terre, concept que les traditionalistes n'ont jamais abandonné.

14) Descartes, René (1596-1650)

Descartes, ayant su que Galileo avait été obligé d'abjurer devant l'Inquisition, a abandonné le projet de publier un ouvrage dans lequel il avait l'intention de décrire la formation de la Terre par des processus naturels sans aucune intervention divine.

15) Burnett, Thomas (1635-1715)

En 1681, cet ecclésiastique anglais a écrit l' ouvrage:

"The Sacred Theory of the Earth-containing an account of the Origin of the Earth and of all the General Changes which it hath already undergone or is to undergo till the Consummation of all Things",

dans lequel il a expliqué le Déluge par des principes géologiques (comme il les percevait). Il a conclu que la Terre est restée sans aucun changement depuis le Déluge et que très, probablement, elle continuera sans changer jusqu'à ce que la volonté de Dieu la détruise (l'Apocalypse).

16) Ray, John (1627-1705)

En 1691, ce naturaliste anglais a suggéré que les fossiles étaient des restes d'anciennes plantes ou animaux qui n'existaient plus et qu'ils ont disparu par extinction. Ces idées n'ont pas été acceptées, malgré le fait que de plus en plus de fossiles aient été découverts.

17) Steno, Nicolas (1638-1686)

Ce médecin danois est devenu célèbre pour son ouvrage "Prodomus" (Florence, 1669). Il y a expliqué l'origine des montagnes de Toscane par fracturation et érosion.

Comme Palissy, il pensait que les fossiles étaient des restes d'anciens êtres vivants. Cependant, sous l'influence des autorités ecclésiastiques, il est probable qu'il ait ajusté ses hypothèses sur ce sujet. Ceci semble être, particulièrement, le cas quand il a considéré que les coquillages rencontrés dans les roches de Toscane avaient été amenés à leur position actuelle par le Déluge "Quatre mille ans, à peu près, avant notre temps". L'influence, ou la peur de l'Église, est encore plus évidente quand Steno a affirmé que les restes d'éléphants et d'autres animaux découverts dans les champs d'Arezzo étaient des restes des éléphants et des bêtes de somme de l'armée d'Hannibal (216-217 av. J.-C.), car il disait: "ils n'appartiennent pas à des animaux de ce climat".

18) Bouguer, Pierre (1698-1758)

Ce savant français a exploré les Andes en Amérique du Sud et il a calculé leur poids. Ayant constaté que le fil à plomb se déviait suffisamment de la verticale à proximité des Andes, il a suggéré qu'elles étaient moins denses qu'il ne semblaient. Quelques dizaines d'années plus tard, cette constatation aura des implications importantes dans la compréhension de la structure de la Terre.

19) Buffon, George Louis de (1707-1788)

À partir de 1749, G. L. Leclerc, comte de Buffon, a commencé à écrire l'Histoire Naturelle (1749-1804) laquelle comprend près de 40 volumes. Dans ce brillant ouvrage, Buffon a fait ce que René Descartes a eu peur d'entreprendre un siècle auparavant. Il a expliqué l'origine de la Terre en termes naturalistes sans intervention divine.

Il a suggéré que la Terre a été créée par la collision d'un corps massif et du Soleil et que la Lune avait été d'une façon ou d'une autre déchirée de la Terre. La Terre aurait refroidi, graduellement, au fur et à mesure que la vapeur d'eau se condensait pour former les océans. Par la suite, des fissures se seraient formées dans la Terre le long desquelles l'eau serait drainée éxondeant les continents. Il a estimé que la Terre existait depuis environ 75 000 ans et que la vie existait sur terre depuis environ 40 000 ans (c'était la première fois que l'âge de la Terre dépassait largement celle proposée par Ussher, autrement dit 4004 ans). Tenant compte du refroidissement, la vie serait encore possible pendant les prochains 93 000 ans. Par la suite, la Terre deviendrait trop froide pour être habitable.

L'ouvrage de Buffon marque la fin d'une longue période d'effort d'imagination et l'avènement d'une nouvelle époque, autrement dit l'ère de l'Observation et de la Géologie de Terrain.

20) Franklin, Benjamin (1706-1790)

En 1784, cet homme d'état américain a suggéré que:

"la croûte de la Terre était une couche relativement mince qui flottait sur un liquide très chaud et beaucoup plus dense. La croûte a pu se déchirer et migrer lentement, produisant des changements importants"

Ces suggestions étaient des simples spéculations. En fait, B. Franklin n'a jamais apporté aucune donnée d'observation capable de corroborer les hypothèses avancées. L'époque de B. Franklin n'est pas encore l'ère de l'Observation et de la Géologie de Terrain. Cette époque commence pratiquement avec Charles Bonnet.

21) Lomonosov, Vasilievich (1711-1765)

Lomonosov a été le premier à interpréter les processus géologiques de plissement et de soulèvement comme imperceptiblement lents. Ce n'est qu'une génération plus tard, que le Baron de Cuvier et James Hutton ont reconnu dans les roches l'évidence événements géologiques violents (catastrophes). Cependant, ces derniers, comme Lomonosov, ont, également, reconnu des processus géologiques graduels, mais ils ont considéré que ces processus étaient interrompus par des événements violents et catastrophiques.

22) Kant, Emmanuel (1724-1804)

Dans son ouvrage "Histoire Naturelle Générale et Théorie du Ciel", E. Kant remonte aux origines de la Terre sans pour autant recourir à aucune hypothèse spéciale. Il se contente de la matière et de son attraction: "Donnez-moi de la matière, disait-il, et j'en ferai un monde".

Descartes avait rempli l'espace de ses tourbillons, tandis que Newton avait montré qu'il est vide de toute matière pondérable. Kant a cherché à expliquer les particularités du système planétaire en supposant que l'espace, actuellement vide, ne l'a pas toujours été. Il a admis qu'à l'origine la matière composant les astres était répandue dans tout l'espace: un tel état de la nature lui paraissait être le plus simple a avoir pu succéder au néant. Pour Kant, la matière formait une sorte de chaos nébuleux uniforme dont les particules s'attiraient mutuellement selon la loi de Newton : (i) État d'uniformité instable ; (ii) Tout centre de condensation, si petit qu'il soit, devient immédiatement un centre d'attraction ; (iii) L'uniformité doit engendrer la diversité ; (iv) L'homogène doit produire l'hétérogène.

23) Bonnet, Charles (1720-1793)

Ce naturaliste suisse, qui a découvert la parthénogenèse naturelle, après avoir étudié et décrit de nombreux fossiles (début de la nouvelle ère des études géologiques) a suggéré que les fossiles représentaient des formes vivantes mortes pendant le Déluge. Ces formes vivantes auraient disparu pour toujours.

En 1770, il a généralisé son hypothèse. En effet, il a proposé toute une série de catastrophes par lesquelles la vie sur Terre disparaîtrait et une nouvelle création commencerait. Ce point de vue, qui a été dénommé catastrophisme a rebondi plus tard sous une forme différente de celle qui a été proposée par Bonnet pour qui la Bible ne relatait que ce qui s'était passé depuis la dernière grande catastrophe. Pour Bonnet, le Déluge ("Diluvium"ou "Noah's Flood") ne serait en effet qu'une catastrophe partielle, car la vie n'ayant pas totalement disparu, aucune création nouvelle n'a été nécessaire.

24) Hutton, James (1726-1797)

En 1768, le chimiste écossais James Hutton, après avoir fait fortune, s'est retiré et il s'est dédié à son passe-temps favori: la Géologie. Par la suite, il est devenu le père des Plutonistes. Ses observations géologiques l'ont amené aux mêmes conclusions que B. Palissy (deux cents ans auparavant) :"des processus naturels affectent la surface de la Terre en la transformant, lentement mais sûrement".

Hutton a compris que certaines roches étaient le résultat du dépôt des sédiments. Par l'action de leur poids, ils se compactaient devenant dures et consistantes. D'autres roches étaient fondues à l'intérieur de la Terre et elles revenaient en surface par l'action des volcans (Plutonisme). Toutes les roches exposées étaient érodées par l'action du vent et de l'eau. Les forces opérant pour changer la surface de la Terre ont toujours opéré de la même façon et à la même vitesse depuis toujours. Cette généralisation, connue sous le nom d'uniformitarisme, s'opposait au catastrophisme proposé par Bonnet.

Dans le livre "Theory of the Earth" qu'il a publié en 1785 à Edinburgh, Hutton, tenant compte de la lenteur de la sédimentation, du volcanisme et de l'érosion, il a conclu que la Terre devait exister depuis très longtemps. Cependant, cela ne signifiait pas du tout que la Terre ait été éternelle. Le début et la fin étaient tellement éloignés qu'il ne pouvait en voir aucune évidence lui permettant de mesurer une telle période de temps. Depuis la publication de son ouvrage, les érudits ont commencé à penser que l'âge de la Terre n'était pas une question de milliers d'années (comme proposé par Ussher), ou de dizaines de milliers d'années (comme proposé par Buffon), mais éventuellement de millions d'années.

25) Smith, William (1769-1839)

Ce géologue anglais est souvent considéré comme le père de la Géologie anglaise. En 1799, il a étudié, soigneusement, les strates de plusieurs affleurements, en particulier ceux de la région de Bath ("Tabular View of the Order Strata in the vicinity of Bath with their respective organic remains"), et il a remarqué que certaines strates ont des fossiles caractéristiques qu'on ne retrouve pas dans les strates sous et sus-jacentes.

26) Humboldt, Friedrich Wilhelm (1769-1859)

Ce naturaliste allemand, qui a exploré l'Amérique du Sud entre 1799 et 1804, tenant compte de la similitude des lignes de côte de l'offshore Est de l'Amérique du Sud et de l'Ouest de l'Afrique déjà proposée par F. Bacon, a constaté que cette similitude n'est pas uniquement morphologique, mais aussi géologique. Cependant, Humboldt n'a pas eu le courage d'interpréter ses observations d'après les principes géologiques proposées par Hutton. Il a fait appel une fois de plus au Déluge. La lecture de son livre "Cosmos" offre une bonne synthèse sur ce qu'on savait de la Terre - son origine, sa géologie, sa minéralogie, mais aussi son peuplement animal, végétal et humain, aux environs de 1830 (C. Allègre, 2005).

27) Lamarck, Jean de Monet de (1744-1829)

J. M. Lamarck a été le premier à décrire un mécanisme pour l'évolution biologique. Il apparaît comme le fondateur des théories de la génération spontanée et du transformisme. Ses théories, et en particulier le transformisme, admettaient pour la première fois un âge de la Terre très important. Lamarck a persuadé la majorité de ses contemporains que l'évolution biologique étant très lente et que de ce fait l'âge de la Terre devrait se mesurer en millions d'années.

28) Coriolis, Gaspar Gustave de (1792-1843)

En 1835, ce physicien français a expliqué, mathématiquement, les directions des vents à partir de la vitesse de rotation des différentes parties de la Terre, effet de Coriolis. Cet effet, produit des tourbillons avec des différents degrés de force, qui peuvent créer des tempêtes, des hurricanes et des tornades, dont l'importance géologique n'est plus à démontrer.

29) Lyell, Charles (1797-1875)

C. Lyell, parlementaire et homme de loi écossais, avec treize de ces amis a fondé la Société Géologique de Londres. Cette société ("little talking dinner club") avait fondamentalement un but politique, autrement dit, celui de discréditer le concept politique des droits divins des rois. En effet, Lyell pensait que si l'uniformité des processus géologiques pouvait être prouvé, l'autorité monarchique comme arbitre du changement sous les lois naturelles et ainsi sa crédibilité comme interlocuteur de Dieu, serait mise en doute (l'hypothèse de l'uniformité, née pendant la Renaissance, vers la fin du XVIIIe siècle, a été, principalement, basée sur le raisonnement inductif de J. J. Rousseau - la Raison Pur, autrement dit, la déduction de la manière comme les choses doivent être, dans l'absence de la preuve du contraire).

L'hypothèse que la mission de Lyell était la discussion politique et non l'étude des roches, n'est pas contredite par le choix de ses amis co-fondateurs de la Société Géologique de Londres, puisque aucun d'entre eux était géologue. La société a rapidement grandie. Peu à peu, elle a perdue l'orientation politique pour se dédier à la science et particulièrement à l'idée du Gradualisme qui persiste encore en certains géologues comme une idée immuable et exclusive des lois de la nature :

" Since there is no geologic repose on the face of the earth, all surficial process must be (and must always have been) continuous" (voir Warrey)

Cette idée de continuité est devenue pour beaucoup de géologues une croyance, et de ce fait, un obstacle pour un raisonnement géologique clair. Entre 1830 et 1833, il a écrit l'ouvrage "The Principles of Geology" dans lequel il a organisé et expliqué les théories exposées par Hutton, ainsi que les données d'observations recueillies depuis. Il a été le premier à proposer que l'âge de la Terre ne devait pas se mesurer en millions d'années, mais plutôt en centaines de millions d'années. Il a suggéré que l'âge de certains fossiles dépassait 240 millions d'années. Il a invoqué plusieurs hypothèses sur la nature et la durée des changements à la surface de la Terre.

30) Airy, George Bidell (1801-1892)

Pour expliquer les observations faites un siècle auparavant par Bouguer, cet astronome anglais a suggéré que les montagnes étaient moins denses que les roches qui formaient les plaines. Il a décidé que "mountains were mountains", c'est-à-dire que plus les roches qui formaient une montagne seraient légères plus la montagne serait haute ("the ligther it was, the higher it floated").

31) Dana, James Dwight (1813-1895)

Autour de 1850, Dana a repris les idées de Buffon en adoptant l'idée d'un refroidissement très lent de la Terre pendant une période extrêmement longue : (i) Le refroidissement aurait créé les continents avec la forme et la position qu'on leur connaît aujourd'hui ; (ii) Pendant le refroidissement, les régions encore fluides se seraient affaissées créant les fonds marins ; (iii) La vapeur d'eau, qui entourait la Terre, se serait condensée donnant des pluies abondantes qui auraient peu à peu remplie les bassins océaniques ; (iv) La poursuite du refroidissement de la Terre aurait réduit légèrement son volume et obligé les continents à s'accommoder, c'est-à-dire, à se raccourcir et à se soulever, créant ainsi les montagnes.

Cette hypothèse a été admise par beaucoup de géoscientistes. Cependant, elle n'expliquait pas plusieurs observations. telles que :

1- Pourquoi uniquement certaines parties de la surface terrestre ont donné lieu à des continents?

2- Pourquoi les montagnes sont-elles localisées dans des régions très particulières?

3- Pourquoi les montagnes se formaient-elles durant de courtes périodes de temps séparées par de longues périodes où rien ne se passait?

4- Si les continents avaient été séparés depuis toujours, pourquoi les fossiles suggèrent des animaux et des plantes très identiques sur des continents très éloignés?

32) Sclater, Philip Lurley (1829-1913)

En 1864, pour expliquer la similitude des fossiles sur des continents très éloignés, Sclater a suggéré la présence de ponts terrestres permettant la communication entre ces continents. Il a en particulier, admis la présence d'un pont terrestre entre l'Afrique et Madagascar - la Lemuria -, lequel aurait coulé par la suite.

33) Suess, Eduard (1831-1914)

L'ouvrage "La surface de la Terre" a été écrit par Suess qui a terminé le dernier volume (le troisième) en 1909. Pour expliquer la distribution de la vie sur les continents, Suess a imaginé qu'à une certaine époque de la Terre il existait un supercontinent austral - Gondwana - composé par l'Amérique du Sud, l'Afrique, l'Inde, l'Australie et l'Antarctique. Le Gondwana était séparé des continents boréaux par la Téthys (ancêtre de la mer Méditerranée). Les différents continents seraient reliés par des ponts terrestres (hypothèse de Sclater) qui permettaient aux êtres vivants de se déplacer d'un continent à un autre. Bien que la théorie des ponts terrestres se soit avérée par la suite complètement fausse, tous les géologues depuis Dana et Suess admettaient que la surface de la Terre, au cours des temps, souffrait d'importants changements: la vieille idée de la stabilité de la surface de la Terre depuis sa création était bien révolue.

34) Snider-Pellegrini, Antonio (1802–1885)

En 1858, cet géographe français aurait écrit un mémoire intitulé "La Création du monde et ses mystères dévoilés", dans lequel il aurait suggéré que:

"comme la Terre a refroidie, une énorme masse continentale a été formée sur l'un des côtés. Par la suite, cette masse continentale s'est cassée en plusieurs continents qui se sont éloignés les uns des autres jusqu'à ce qu'ils trouvent leurs positions actuelles"

Il aurait invoqué le Déluge pour expliquer la fracturation et l'éloignement des continents. Son hypothèse n'a pas été admise par les géologues. Depuis les travaux de Lyell, plus personne ne prenait le Déluge comme le seul agent responsable des changements géologiques.

35) Dutton, Clarence Edward (1841-1912)

Au tour de 1889, ce géoscientiste américain a proposé que les roches qui composent les continents sont moins denses que celles qui forment le fond de la mer. Dutton a émis l'hypothèse que:

"toutes les roches de la Terre se sont positionnées d'après leurs densités"

phénomène qu'il a appelé "Isostasie". Il a montré que les montagnes, ainsi que l'ensemble de la masse continentale, étaient composée par des roches moins denses que celles qui composaient les bassins océaniques. Ceci serait la raison pour laquelle les continents se soulèvent et restent des continents.

36) Taylor, Frank Burseley (1860-1938)

Tenant compte des observations de Dutton, Taylor a repris les idées avancées par Pellegrini en 1858. Il a suggéré que:

"l'Afrique et l'Amérique du Sud (qui sont moins dense que le substratum) ont été cassés et ensuite éloignés, tandis que le substratum, plus dense, serait à peu près resté au même endroit"

Taylor a invoqué la force des marées (suite à la capture de la Lune) pour expliquer la fracturation de la masse continentale et l'éloignement des continents. Ce mécanisme n'a pas convaincu beaucoup de géoscientistes qui continuaient à préférer la théorie des ponts terrestres entre les continents.

37) Wegener, Alfred Lothar (1880-1930)

En 1912, Wegener a proposé "La Dérive des Continents", sans pour autant suggérer aucun mécanisme, que ce soit le Déluge ou les marées. En 1922, il a proposé que:

"Les continents auparavant étaient tous groupés et qu'ils ne formaient qu'une seule masse continentale - la Pangée. Ce supercontinent était entourée d'une immense mer - la Panthalassa-"

Wegener a aussi proposé une nouvelle explication pour la formation des montagnes. Elles seraient le résultat de la résistance à la dérive des continents, ce qui expliquait le positionnement très particulier des chaînes plissées.

38) Ewing, Maurice (1906-1974)

La "Ride Mid-Atlantique" a été mise en évidence en 1925, suite aux travaux réalisés par le bateau océanographique allemand Meteor, qui a utilisé pour la première fois la technique du sonar pour la cartographie bathymétrique des fonds sous-marins. Après la deuxième guerre mondiale, Ewing et son équipe ont montré que la Ride Mid-Atlantique ne se limitait pas à l'Océan Atlantique, mais qu'elle se prolongeait vers l'Océan Indien, où elle se ramifiait pour se prolonger vers le Pacifique. Ainsi, est née la Ride Mid-Océanique, qui fait le tour du monde et dont la longueur dépasse les 40.000 kilomètres.

39) Heezen, Bruce Charles (1924-1977)

Cet étudiant d'Ewing a découvert que la partie centrale de la Ride Mid-Océanique était un profond canyon qu'il a appelé le "Grand Rift Global".

Au départ, il pensait que le Grand Rift était continu. Très rapidement, il a constaté qu'il est en fait composé par une série de segments rectilignes séparés par des lignes de fractures ("failles transformantes") le long desquelles se localisent la plupart des tremblements de Terre et de nombreux volcans. Toute l'équipe scientifique travaillant avec Ewing et Heezen a proposé que la surface de la croûte terrestre pouvait être subdivisée en larges plaques lithosphériques séparées par le Grand Rift Global et par des failles transformantes. Ainsi est née l'hypothèse de la Tectonique des Plaques.

40) Hess, Harry Hammond (1906-1969)

En 1960, avec Robert Sinclair Dietz, Hess a proposé que la montée continue du magma vers le Grand Rift avait cassé la Pangée et obligeait les plaques ainsi individualisées à s'éloigner, permettant ainsi l'expansion océanique. Ils ont dénommé ce mécanisme "sea-floor spreading" ou "expansion océanique". A d'autres endroits, il a été constaté que certaines plaques plongeaient sous des plaques chevauchantes. Ces zones mises en évidence par le géophysicien Benioff ont reçu comme nom -"zones de Benioff" ou "subduction de type B".

41) Warren, Carey Samuel (1911-2002)

En 1988, Warren a avancé l'hypothèse d'une expansion unidimensionnelle de la Terre, c'est-à-dire que la force gravitationnelle aurait changé au cours du temps géologique. Si cette hypothèse n'est pas falsifiée, elle discrédite, entre autres, l'axiome de la continuité (Gradualisme de Lyell), dans la mesure où l'expansion océanique est une réponse à la subduction, autrement dit que le matériel mis en place par les rides océaniques doit compenser le matériel engloutit par subduction.

 

Les géoscientistes sont finalement arrivés à l'hypothèse la plus récente - la "Tectonique des Plaques". En attendant que des nouveaux données d'observations la réfute, on peut dire que dans cette hypothèse, les continents ne flottent pas et ne s'éloignent pas sur un substratum plus dense, comme le pensait Wegener. Ils sont fixés sur des plaques lithosphériques lesquelles en se déplaçant transportent les continents avec elles. Dans leur déplacement, les plaques lithosphériques peuvent créer des situations géologiques diverses que nous signaleront au fur et à mesure.

En guise d'épilogue, nous signalons que dans un ouvrage très récent, Ryan et al. (1997) ont fournit une explication au Déluge, que correspondrait "au déversement de la Méditerranée en Mer Noire, via le Bosphore, vers 7000 av. J.C.". En effet, ces géoscientistes ont avancé l'hypothèse, que pendant les dernières glaciations, la mer Noire aurait été, partiellement, séchée, et que par la suite, il y a environ 7000 ans, elle aurait été remplie de façon catastrophique, ce qui aurait produit une inondation gigantesque, autrement dit le Déluge.

Pour comprendre cette hypothèse, il faut tenir compte d'un certain nombre de faits d'observation, qui la corroborent :

1) La Mer Noire a environ 422.000 km^2 et une profondeur maximale d'environ 2.2 km.

2) Sa salinité est environ moitié de celle des océans.

3) Entre la Mer Egée et la Mer Noire, différents éléments morphologiques peuvent se mettre en évidence (fig. 01):

3.1- Le détroit de Dardanelles, qui a environ 60 km de longueur, mais large de seulement 1.2 à 6 km, et qu'il a une profondeur maximale de 82 m pour une moyenne de 55 m.

3.2- La Mer de Marmara, qui a environ 280 km de long et environ 80 km de large.

3.3- Le détroit de Bosphore, qui a environ 30 km de long, 1-2 km de large et environ 35 mètres de tranche d'eau.

Figure 01- La connaissance à priori de la morphologie, et surtout la bathymétrie de la Mer Egée, détroit de Dardanelles, Mer de Marmara, détroit de Bosphore et de Mer Noire sont des éléments indispensables pour la compréhension et la critique de l'hypothèse avancée par Ryan pour expliquer le Déluge. Remarquons, le détroit de Dardanelles, entre la mer Egée et la Mer de Marmare, a, environ, 60 kilomètres de long et un profondeur d'eau moyenne d'environ 55 mètres, tandis que le détroit de Bosphore est long d'environ 30 kilomètres et que sa profondeur n'est que 35 mètres de profondeur. Actuellement, la Mer Egée (Méditerranée), Mer de Marmare et la Noire Noire sont en communication et que de ce fait le niveau de l'eau est le même, ce qui n'a pas toujours était le cas, en particulier pendant les dernières glaciations.

4) Les dernières glaciations ont commencé il y a environ 100 000 ans et elles ont terminée il y a environ 10.000 ans.

5) La glace, qui localement a atteint plusieurs kilomètres d'épaisseur, a couvert la partie septentrionale de l'Amérique du Nord et de l'Europe. Cette glace a été empruntée aux océans, ce qui a produit une chute eustatique d'environ 120 mètres.

6) Pendant les glaciations (chute eustatique d'environ 120 m), le détroit de Bosphore était terre ferme et la Mer Noire était complètement isolée de la Mer Méditerranée.

7) Au point de vue stratigraphique, dans la Mer Noire, on retrouve au-dessus d'un épais niveau d'argileux prodeltaïque, un horizon argileux à coquilles d'escargot d'eau douce. Ces fossiles sont très fracturées et même cassés par les vents et par l'action des vagues. Au-dessus de ce niveau, on rencontre un autre niveau argileux, mais cette fois, à coquilles d'escargots d'eau salée. Au contraire des premiers, ces derniers fossiles sont très bien conservés.

8) L'âge des coquilles d'escargot d'eau salée est d'environ 7 000 ans. Ceci permet de dater l'invasion marine de la Mer noire d'un âge équivalent.

Ces données d'observation corroborent le scénario suivant :

a) Pendant les glaciations, autrement dit, depuis 100.000 ans, le niveau marin a descendu et le détroit du Bosphore, c'est transformé dans une petite rivière qui transportait des petites quantités d'eau depuis la Mer Noire vers la Méditerranée (fig. 02).

b) Par la suite, cette rivière est devenue sèche. En même temps, la tranche d'eau de la Mer Noire devenait de plus en plus petite, la transformant dans un énorme lac d'eau douce.

c) Sur les verges de cet énorme lac, des escargots d'eau douce se sont développés. Cependant, au fur et à mesure que le niveau du lac descendait, l'éxondation favorisait la mort des escargots. L'action des intempéries et des vagues est à l'origine des fossiles cassés et mal conservés qu'on trouve aujourd'hui.

Figure 02- Cette suite de coupes, basées en Ryan et al., 1981, illustre l'évolution probable du remplissage du bassin de la Mer Noire, crée pendant la chute du niveau marin induite par les dernières glaciations, à la suite de la remontée eustatique associée à la déglaciation. Pendant les dernières glaciations, suite à la chute eustatique (environ 120 mètres), la Mer Noire a été isolée de la Méditerranée et devenu un grands corps d'eau douce, en même temps que les détroits de Bosphore et Dardanelles sont devenus éxondés. Dès que la glace a fondu, le niveaux eustatique a montée d'autant et des grandes chutes d'eau salée (Méditerranée) se sont formées à l'Est du détroit de Bosphore remplissant le bassin de la Mer Noire. C'est ce remplissage qui semble correspondre au mythe Diluvium.

e) Il y a environ 7 000 ans, la glace a commencé à fondre. Le niveau eustatique a commencé à monter.

f) Quand le niveau marin a couvert la région entre les Dardanelles et le Bosphore, la pression de l'eau a fait sauter le bouchon argileux qu'isolait le bassin de la Mer Noire de la Mer de Marmara.

g) Dès que la communication entre la Mer de Marmara et le bassin de la Mer Noire a été établie, la différence de niveau d'eau entre ces deux régions a produit des énormes chutes d'eau en direction du bassin de la Mer Noire permettant son rapide et catastrophique remplissage.

h) Le remplissage par de l'eau salée a permis le développement d'escargots marins dont les coquilles se sont déposées peu à peu sur le fond de la Mer Noire. La présence de ce type de coquilles souligne un énorme changement dans les faciès du remplissage.

i) La montée du niveau d'eau de la Mer Noire a diminué très rapidement la surface des verges fertiles. Ceci a obligé les populations, qui s'y étaient installées, à migrer vers d'autres régions en particulier vers l'Europe et vers l'Asie.

j) Cette migration massive, et forcée, des populations a largement favorisée la divulgation de toutes les histoires et mythes associées à cette énorme inondation qui est devenu le Déluge.

La montée eustatique post-glaciaire est corroborée, également, par les écrits Sumériens (langue morte qui était autrefois parlée dans l'Antiquité en Basse Mésopotamie) d'il y a 5.500 ans, en particulier par la liste des huit rois sumériens qui ont régné avant la grande inondation. De la même façon, le récit qui relate le parcours de Gilgamesh (roi à demi légendaire de la cité d'Ourouk ou Uruk, qui aurait régné vers 2600 avant notre ère) des Babyloniens et l'histoire de Wititj (un des terribles pythons sacrées) des aborigènes sont aussi, probablement, liés au déversement de la Méditerranée vers la Mer Noire via le Bosphore.

Au cours des temps géologiques des inondations de cette amplitude et même plus importantes sont bien connues des géoscientistes, en particulier celle du bassin méditerranéen qu'il y a eu lieu a environ 5 Ma. En effet, la Méditerranée a grandi et rétréci en fonction du déplacement des plaques lithosphériques de l'Afrique et de l'Eurasie, lesquelles se déplacent à une vitesse comparable a celle de la croissance des ongles, autrement dit environ 5 cm/an. Ainsi, d'après certain géoscientistes, il y a environ 6 Ma, la plaque africaine s'est déplacée vers le Nord créant un isthme qui a isolé la Méditerranée de l'océan Atlantique. En quelques centaines de milliers d'années, un tel isolement a produit l'évaporation totale de l'eau de la Méditerranée (environ 400 Mkm^3) et le dépôt d'une énorme épaisseur de sel (les 400 km^3 d'apport d'eau douce étaient insuffisants pour empêcher une telle évolution). Il y a environ 5 Ma, l'océan Atlantique a débordé le détroit de Gibraltar créant des énormes chutes d'eau vers le bassin méditerranéen, ce qui l'a rapidement remplie formant à nouveau la Méditerranée. Si cette suite d'événements géologiques a vraiment eu place, les chutes d'eau, entre l'océan Atlantique et le bassin méditerranéen, déverseraient, grosso modo, 40 000 km^3/an, ce qui correspond à un volume environ 100 fois celui déversé par les chutes de Victoria et 1000 fois celui des chutes du Niagara.

 

NB- Bibliographie à la fin du chapitre suivant

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Dernière modification : Juin, 2014